
Ces traitements concernent deux médicaments déjà utilisés chez l'humain, l'étiléfrine et le diltiazem. Le premier est un stimulant cardiaque prescrit aux personnes souffrant d'hypotension et le second sert à traiter l'hypertension et l'angine de poitrine. Le lien avec le virus de l'influenza? «L'approche que nous avons développée consiste à trouver les gènes des cellules respiratoires humaines dont l'expression est augmentée ou diminuée lorsqu'elles sont infectées par le virus de la grippe, explique Guy Boivin. C'est ce que nous appelons la signature cellulaire du virus. Nous consultons ensuite une base de données qui décrit l'effet de différents médicaments sur l'expression des gènes humains et nous tentons de repérer ceux dont la signature cellulaire s'approche le plus de l'inverse de celle du virus. C'est ce qui nous a mis sur la piste de ces deux médicaments.»
Des tests effectués in vitro ainsi que sur des souris et des furets ont montré que ces deux produits ralentissent la réplication du virus de la grippe et diminuent les complications de l'infection ainsi que la mortalité. Ces médicaments sont efficaces contre les principales souches d'influenza qui circulent présentement dans les populations humaines. Ils pourraient être utilisés séparément, simultanément ou combinés à d'autres molécules antivirales, tant chez l'humain que chez les animaux d'élevage. Les chercheurs ont élucidé le mode d'action des deux produits et leurs conclusions seront bientôt publiées dans une revue scientifique. «Je ne peux pas divulguer les détails pour l'instant, mais ils agissent sur des mécanismes de la cellule hôte et non sur ceux du virus, précise le professeur Boivin. Théoriquement, il y a donc peu de risques que des souches virales résistantes à ces traitements apparaissent.»
Un avantage du procédé développé par les chercheurs est qu'il mise sur un repositionnement thérapeutique de médicaments existants. «Nous n'avons donc pas à refaire les tests de toxicité chez l'humain, ce qui représente une économie substantielle de temps et d'argent», souligne le chercheur. Une étude de phase 2 portant sur le diltiazem est en cours depuis janvier dans 10 hôpitaux de France. Le médicament est testé en combinaison avec l'antiviral Tamiflu sur 300 patients admis dans des unités de soins intensifs en raison d'une grippe sévère. Les résultats, attendus en 2019, permettront de déterminer si cette intervention est supérieure à un traitement misant exclusivement sur le Tamiflu.
Le professeur Boivin ajoute que ces nouveaux traitements contre la grippe pourraient aussi être administrés en mode préventif chez les personnes particulièrement à risque, notamment celles souffrant de maladies pulmonaires. «Nous pourrions y recourir lors des années où on sait que l'efficacité du vaccin est faible, souligne Guy Boivin. On pourrait aussi prescrire ces traitements aux personnes qui sont entrées en contact avec des personnes grippées et qui veulent éviter de développer l'infection.»
Le professeur Boivin et ses collaborateurs français ont mis sur pied une entreprise, Signia Therapeutics, pour assurer le développement et la commercialisation de ces nouveaux traitements contre la grippe. L'entreprise est établie en France, mais une filiale québécoise pourrait voir le jour à Québec en 2018. Les chercheurs poursuivent leurs travaux sur la grippe et ils entendent explorer le potentiel de leur approche par signature cellulaire pour le traitement d'autres pathogènes respiratoires.