
Pierrich Plusquellec, Gina Muckle, Éric Dewailly, Pierre Ayotte, Gabrielle Bégin, Caroline Desrosiers et Karine Poitras, du Centre de recherche du CHUQ et de l'École de psychologie, et leurs collègues montréalais Christine Després et Dave Saint-Amour se sont intéressés aux effets à long terme de l'exposition prénatale et postnatale au plomb, aux BPC et au mercure sur le développement des enfants du Nunavik. Le mercure et les BPC sont relativement abondants dans les mammifères marins tels que le phoque et le béluga et dans les poissons dont se nourrissent les Inuits. Quant au plomb, il provenait essentiellement de l'ingestion de grenaille de cartouches logée dans la chair du gibier (les cartouches au plomb sont interdites depuis peu au Canada).
Grâce à la collaboration de femmes inuites, les chercheurs ont eu l'autorisation de prélever un échantillon de sang de cordon ombilical immédiatement après l’accouchement afin d'en déterminer la concentration en plomb, en BPC et en mercure. Ces données ont servi à estimer l’exposition prénatale des fœtus à ces polluants. Lorsque ces mêmes enfants ont eu cinq ans, les chercheurs ont prélevé un nouvel échantillon de sang afin d'estimer leur exposition actuelle à ces polluants et ils les ont soumis à une série de tests visant à établir leur degré de développement intellectuel. Pendant ces tests, les chercheurs ont coté le comportement des enfants. Ceux qui manifestaient le plus de tristesse et d'anxiété étaient ceux qui avaient eu les plus fortes expositions prénatales aux BPC. De plus, les enfants plus exposés aux BPC pendant la gestation souriaient ou riaient moins souvent que les autres. «On savait déjà que l'exposition aux BPC avait un impact sur la croissance et le développement cognitif, mais c'est la première fois qu'une étude démontre un effet sur le développement émotionnel de l'enfant», souligne Gina Muckle, professeure à l'École de psychologie. L'explication la plus probable est que les BPC affecteraient le système endocrinien de l'enfant.
L'étude a aussi révélé que l'impulsivité, l'irritabilité et l'inattention des enfants augmentent en fonction du degré d'exposition au plomb mesuré pendant l'enfance. Des résultats semblables avaient été rapportés dans des études antérieures. Toutefois, signalent les chercheurs, les effets comportementaux de l'exposition au plomb surviennent à des niveaux bien inférieurs aux seuils tolérés par Santé Canada et par les agences de santé publique des autres pays. «Nos résultats militent en faveur d'une révision du seuil d'exposition acceptable pour le plomb», souligne Gina Muckle.
Les chercheurs ignorent pour l'instant si l'effet de l'exposition prénatale aux BPC sur le développement émotionnel des enfants est réversible. «Il faut rester prudent et recommander la réplication des résultats avant de conclure, même si l’hypothèse du mécanisme de perturbation endocrinienne tient la route, estime Pierrich Plusquellec. Nous faisons le suivi des enfants à 10 ans pour savoir si des changements surviennent. Le corps et le cerveau regorgent de ressources.»