
Le spiromètre permet d'obtenir une mesure objective du rétrécissement des voies respiratoires causé par l'asthme. La moitié des diagnostics d'asthme sont posés sans tests respiratoires de ce type, même si les bonnes pratiques médicales l'exigent.
— Cosmed
Les chercheurs arrivent à cette conclusion après avoir étudié le cas de 613 patients canadiens qui avaient reçu un diagnostic d'asthme au cours des cinq dernières années. Ils ont soumis ces personnes à une série de tests respiratoires, notamment des tests de spirométrie considérés essentiels dans le diagnostic de l'asthme. «Le spiromètre permet de mesurer différents paramètres liés aux fonctions respiratoires, notamment le débit de l'air expiré, explique Louis-Philippe Boulet. Il s'agit donc d'un test objectif pour déterminer si une personne souffre d'un rétrécissement des voies respiratoires et pour en évaluer la sévérité. Si ce test est normal, on peut aussi évaluer la réactivité des bronches et ainsi confirmer ou infirmer le diagnostic.»
Ces tests ont révélé que 33% des sujets ne souffraient pas d'asthme au moment de l'étude. Comme les cas de rémission d'asthme sont rares chez l'adulte, les chercheurs en concluent que, dans une forte proportion des cas, il s'agit probablement de faux diagnostics. «Environ 80% de ces personnes prenaient des médicaments contre l'asthme, signale le professeur Boulet. Nous avons prudemment retiré cette médication et plus de 90% d'entre elles ont pu cesser complètement la prise des médicaments pour l'asthme, ce qui confirme notre hypothèse.»
L'analyse des dossiers médicaux de 530 sujets de l'étude a révélé que, dans 49% des cas, le diagnostic d'asthme avait été posé sans que le médecin traitant ait demandé de tests respiratoires. «On imagine mal qu'un médecin pose un diagnostic d'hypertension ou de diabète sans avoir mesuré la pression artérielle ou la glycémie de son patient au préalable, commente le chercheur. Pourtant, c'est ce qui se produit souvent avec l'asthme. Pour diverses raisons, dont les problèmes d'accessibilité réels ou perçus aux tests respiratoires, la surcharge de travail des médecins de première ligne ou les réticences des patients, ces tests ne sont pas systématiquement effectués avant qu'il y ait un diagnostic d'asthme, même si les guides thérapeutiques l'exigent.»
Les examens médicaux pratiqués sur ces faux asthmatiques ont permis de constater que 28% n'avaient aucune maladie ou souffraient de problèmes mineurs comme des allergies ou des brûlements d'estomac. Par contre, 2% souffraient de maladies cardiaques ou d'hypertension pulmonaire. «Plusieurs des symptômes de l'asthme ressemblent à ceux d'autres maladies, souligne Louis-Philippe Boulet. C'est pourquoi les personnes qui ont reçu un diagnostic d'asthme sans passer de tests respiratoires devraient en discuter avec leur médecin, surtout si leurs médicaments produisent peu d'effets sur leur condition.»
Contrairement à ce que cette étude porte à croire, la prévalence de l'asthme, estimée à 8,5% dans la population canadienne, n'est pas surestimée. «Notre étude suggère qu'il pourrait y avoir un surdiagnostic dans le tiers des cas, mais le nombre de personnes qui souffrent d'asthme sans le savoir est probablement aussi grand. Même si l'asthme est facile à diagnostiquer correctement, il reste beaucoup de travail à faire pour sensibiliser les médecins et les patients», constate le professeur Boulet.
Dirigée par le professeur Shawn Aaron de l'Université d'Ottawa, l'étude parue dans le JAMA est signée par 15 chercheurs associés au Réseau canadien de recherche en santé respiratoire.