Au cours des huit dernières décennies, la concentration d'oxygène dans les lacs des régions tempérées a connu une importante diminution aux quatre coins de la planète. Cette baisse, attribuable en bonne partie au réchauffement climatique, est de 3 à 9 fois plus prononcée que celle observée dans les océans, rapporte une équipe internationale de recherche dans la revue Nature.
Les 44 scientifiques associés au Global Lake Ecological Observatory Network qui signent l'article ont documenté l'évolution de 393 lacs situés dans les zones tempérées des États-Unis, du Canada, de l'Europe, du Japon et de la Nouvelle-Zélande. Ces lacs ont été retenus parce qu'il existait au minimum 15 années de données permettant de dresser leurs profils d'oxygène dissous et de température. Si les chercheurs se sont intéressés à ces deux variables, c'est que plus la température de l'eau est élevée, moins l'oxygène est soluble dans l'eau.
«L'oxygène dissous est un élément fondamental à la vie dans un lac. En deçà d'un certain seuil d'oxygène dissous, certaines espèces, comme les truites par exemple, ne peuvent plus survivre», souligne l'une des signataires de l'étude, Émilie Saulnier-Talbot, professeure au Département de biologie et au Département de géographie de l'Université Laval et chercheuse au regroupement Québec-Océan.
Au total, les chercheurs disposaient de 45 148 profils de température et d'oxygène dissous effectués entre 1941 et 2017. Leurs analyses montrent que:
79% des lacs ont connu une hausse de température de leurs eaux de surface;
67% des lacs ont connu une baisse de la concentration d'oxygène dissous dans leurs eaux de surface;
cette baisse est de 2,8 à 9,3 fois plus prononcée que celle observée dans les océans.
«Dans les eaux de surface, le déclin dans la concentration d'oxygène dissous est principalement attribuable à une diminution de la solubilité de ce gaz causée par le réchauffement des eaux, explique la professeure Saulnier-Talbot. En profondeur, il y a aussi moins d'oxygène dissous, mais la température de l'eau n'est pas en cause parce qu'elle est demeurée stable au fil du temps. C'est plutôt la stratification thermique des eaux du lac qui entrave les échanges d'oxygène avec la surface. En plus, l'intensité des vents a diminué au cours des dernières décennies, ce qui a réduit le brassage des eaux. L'oxygène consommé par les organismes qui vivent en profondeur dépasse son taux de renouvellement.»
Ces résultats suggèrent que les changements climatiques sont en voie de modifier substantiellement l'environnement physique et chimique des lacs. Si rien n'est fait, la situation ne peut qu'empirer. Ajoutez à cela l'eutrophisation des cours d'eau causée par les activités humaines et l'avenir des lacs semble très morose, peu importe s'ils se trouvent en zones habitées ou en régions sauvages.
«Il faut poursuivre les efforts déployés au niveau local pour améliorer la santé des lacs, mais il faudra aussi des actions plus globales au niveau des émissions de gaz à effet de serre pour renverser la tendance lourde que nous avons observée dans notre étude, constate Émilie Saulnier-Talbot. Si la température de l'air continue d'augmenter, la température de l'eau va, elle aussi, augmenter et il y aura de moins en moins d'oxygène dans les lacs.»