
Telle est la proposition de Mikaël Francoeur, pianiste et étudiant au doctorat en musicologie. Sous la direction de la professeure Sophie Stévance, il prépare une thèse en recherche-création sur une nouvelle forme de concert, le «récital commenté interactif». Le principe est simple: permettre aux membres du public d'interagir sur le déroulement du spectacle grâce à leur téléphone, leur tablette ou leur ordinateur portable.
«L'art est généralement construit selon une dualité artiste-public. Particulièrement en musique classique, l'artiste et le public évoluent dans un paradigme de médiation hiérarchique, c'est-à-dire que le musicien présente une vérité à un auditeur, dont le rôle est de recevoir et de reconnaître cette vérité. Mon désir est de subvertir ce processus pour voir comment l'auditeur peut participer à la construction de sens au même titre que l'artiste», explique Mikaël Francoeur.
Pour les besoins de sa recherche, l'étudiant a créé une application mobile, que l'on peut télécharger sur diverses plateformes mobiles. Cette technologie a servi de base à un récital, qu'il a présenté à trois reprises. Les spectateurs étaient invités à installer l'application sur leur appareil et à prendre place autour du pianiste. Tout au long du concert, consacré à l'œuvre de Léo Roy, ils devaient parcourir une série de modules sur la vie du compositeur et voter pour les pièces qu'ils souhaitaient entendre. Leurs choix étaient diffusés en temps réel sur un écran consulté par l'étudiant, qui faisait évoluer le spectacle selon les votes du public.
En tout, près de 50 personnes se sont prêtées au jeu. À la fin du concert, elles étaient invitées à répondre à un questionnaire sur leur perception du projet. «L'expérience a été très positive dans son ensemble, relate Mikaël Francoeur. La grande majorité des participants recommanderaient un récital commenté interactif à leurs amis. Leurs réponses m'ont permis d'ouvrir la boîte opaque de la construction de sens pour un auditeur. J'ai eu des pistes de recherche pour faciliter l'interactivité du public et pour rendre son expérience agréable. Sur le plan de la création, cela a été très formateur. Devant moi, j'avais un ordinateur qui me permettait de savoir ce que j'allais jouer à 15 secondes d'avis. En tant que pianiste, ce fut tout un apprentissage!»
Selon l'étudiant, les appareils mobiles ouvrent un nouveau chapitre quant aux façons de présenter des concerts de musique classique. «Nous sommes dans un milieu qui cherche constamment à se renouveler et à renouveler son public. La technologie est l'une des avenues que l'on peut emprunter et qui est sous-exploitée à l'heure actuelle; tout le monde a un téléphone dans sa poche et veut participer d'une manière ou d'une autre à l'expérience musicale.»
Aux puristes qui s'insurgent contre cette idée, Mikaël Francoeur rappelle que l'on peut utiliser un appareil intelligent tout en étant réceptif à la musique. «Il y a une tendance à croire qu'un auditeur silencieux et immobile est concentré. Pour ma part, quand je suis silencieux et immobile, c'est que j'essaie de me rappeler ce que je dois acheter à l'épicerie! Le silence et l'immobilité ne sont pas des gages de concentration, mais plutôt d'acception de cette relation artiste-public», dit celui qui devrait déposer sa thèse d'ici l'été prochain. L'application qu'il a conçue sera disponible gratuitement pour tous les musiciens désireux de tenter l'expérience du récital interactif.