
Pour Les Liaisons dangereuses, qui nous transporte dans les salons de la noblesse française, Barbeau a créé plusieurs costumes en s'inspirant du travail de Christian Dior. Mise en scène par Serge Denoncourt, la pièce a été présentée au Théâtre Jean-Duceppe en 2014.
— François Brunelle
Curieusement, de son vivant, peu de chercheurs se sont intéressés au costumier. C'est pour combler ce vide que Roxanne Martin, doctorante en littérature et arts de la scène et de l'écran, s'est lancée dans un ambitieux projet de recherche consacré à la carrière de l'homme. «Quand j'ai commencé mon doctorat, il y avait seulement deux articles de cinq ou six pages qui avaient été faits sur lui. Lire sur Barbeau m'a pris un avant-midi. Tout était à faire!», relate-t-elle.
L'étudiante explique cette pauvreté par la désolante réputation qui collait à l'artiste, celle d'être d'une approche difficile. «Cette réputation me faisait peur au début, mais, finalement, un lien de confiance a été établi. François Barbeau savait qu'il était en fin de carrière et réalisait l'importance du projet. De 2011 à 2014, nous nous sommes rencontrés à 18 reprises», dit celle qui s'est aussi entretenue avec certains de ses anciens collaborateurs.
De ce travail titanesque, elle tire plusieurs constats. D'abord, le costumier avait un sens infini du détail. Très sensible à la trame narrative du récit et au respect des époques qui sont représentées, il portait une attention particulière au choix des tissus. Parce qu'il avait étudié la haute couture, il savait comment tel matériau réagit lorsque l'on effectue des mouvements. Il veillait au confort des acteurs et s'assurait de concevoir des costumes qui soient durables et faciles d'entretien.
Barbeau avait aussi le désir de toujours se réinventer. Contrainte budgétaire oblige, il s'est intéressé, entre autres, à comment transformer des tissus plus abordables pour leur donner une nouvelle apparence. «Vers l'âge de 70 ans, il a découvert le géotextile, un tissu qui peut ressembler à du cuir, mais qui est très léger et beaucoup moins cher. C'est avec ce matériau qu'il a fabriqué les capes des personnages de Cyrano de Bergerac et des Trois mousquetaires. L'effet était tout aussi spectaculaire, mais à un prix moindre, et les acteurs avaient moins chaud», explique Roxanne Martin.
Dans sa thèse, qu'elle décrit comme «un récit de carrière et une œuvre de mémoire», la chercheuse s'intéresse aux productions marquantes de Barbeau. Parmi celles qui ont modifié son approche du costume figure Les trois sœurs, jouée en 1966 au Théâtre du Rideau Vert. Cette pièce de Tchekhov étant réalisée par I. M. Raevsky, un Russe qui ne parlait pas français, Barbeau a dû trouver une nouvelle façon de travailler pour s'assurer que ses costumes concordent avec la vision du metteur en scène. Dès lors, ses esquisses sont devenues un outil de travail essentiel, lui permettant d'échanger avec les membres de la production avant de se lancer dans la conception.
Au fil des ans, le créateur a accumulé une impressionnante quantité de dessins. Quelque 20 000 maquettes ont été numérisées par Roxanne Martin avant d'être remises à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), où elles sont conservées précieusement. Très volumineux, ce fonds comprend des maquettes liées à des productions marquantes telles que Casse-noisette et la première version des Belles-sœurs en 1968. Une mine d'or, bref, pour quiconque s'intéresse à celui qui fut probablement le costumier le plus influent au Québec!

Pièce culte de la dramaturgie québécoise, Les belles-sœurs a été jouée pour la première fois le 28 août 1968 au Théâtre du Rideau Vert.
Photo: Centre d'archives du Vieux-Montréal (BAnQ), Fonds d'archives de François Barbeau (MSS 450)

La pièce Arlequin, serviteur de deux maîtres a été présentée par la Nouvelle compagnie théâtrale en 1977 dans une mise en scène de Gilles Pelletier.
Photo: Centre d'archives du Vieux-Montréal (BAnQ), Fonds d'archives de François Barbeau (MSS 450)

À la fin des années 90, le costumier a collaboré avec le Cirque du Soleil pour le spectacle Dralion, pour lequel il a remporté un prix Emmy.
Photo: Centre d'archives du Vieux-Montréal (BAnQ), Fonds d'archives de François Barbeau (MSS 450)