Le professeur Rafael Zaldivar enseigne à la Faculté de musique de l’Université Laval depuis 2012. Les 27 et 28 septembre, ce pianiste et compositeur de jazz a donné non pas une, mais deux classes de maître au Berklee College of Music de Boston, aux États-Unis. Cet établissement d’enseignement reconnu mondialement a formé plusieurs étudiantes et étudiants qui ont eu par la suite une brillante carrière dans le monde du jazz. Mentionnons, entre autres, le guitariste John Scofield, la pianiste et chanteuse Diana Krall et le saxophoniste Donny McCaslin.
«À mon arrivée au collège, raconte-t-il, la première chose que j’ai entendue en entrant était ma musique provenant d’une salle de classe. Les étudiants interprétaient ma composition originale Rule of Third. Leur interprétation sonnait vraiment bien: la sonorité était claire, les passages difficiles sonnaient faciles à entendre. Et les détails d’interprétation stylistique sonnaient de façon très précise.»
Rule of Third est l’une des huit pièces originales que le professeur Zaldivar avait envoyées aux étudiants en prévision de ses classes de maître.
«J'ai eu 42 étudiants en différents formats combos, explique-t-il. Ils ont joué sept de mes compositions originales. J’étais tellement impressionné de voir comment ils avaient monté ma musique. Ils ont pris le temps de l’apprendre. Ils ont beaucoup de talent. Ils sont extrêmement bons. Ils ont atteint un très haut niveau en interprétation jazz. Ils provenaient de plusieurs pays, dont les États-Unis, le Canada, Cuba, le Royaume-Uni et le Japon. La majorité a entre 18 et 23 ans.»
Il décrit Rule of Third comme une pièce hybride qui combine une pulsation ternaire avec une pulsation binaire «où les élaborations thématiques du piano et du saxophone alto créent des effets de chevauchement avec l’accompagnement des percussions». Les autres instruments utilisés dans l’interprétation de cette pièce sont le violon, la basse acoustique et la batterie. Durant les deux jours, les étudiants ont également eu recours à la flûte, à la trompette, au saxophone ténor, à la guitare et à la basse électrique, sans oublier la voix.
«En classe de maître, souligne Rafael Zaldivar, il y a un échange sous forme de questions et réponses. Mais les étudiants ont surtout joué. Ils avaient leur instrument avec eux. J’étais assis au piano. Je jouais, ensuite ils jouaient, puis je faisais des commentaires qui bénéficiaient à tous. Ce n’étaient pas des critiques. Je donnais mon avis par rapport à un point faible et comment il pouvait être amélioré. La dynamique d’échange était très forte. J’ai souligné leur attitude professionnelle qui leur faisait prendre les défis au sérieux et leur détermination qui les a menés au plus haut niveau en termes de qualité d’interprétation. Je leur ai dit être impressionné par le fait qu’ils ont vraiment pris le temps d’apprendre avec précision ma musique originale de niveau avancé.»
Durant son enseignement, le professeur a fait référence à plusieurs compositeurs, dont Charlie Parker, Bud Powell, Steve Coleman et Thelonious Monk. Il a aussi touché à quelques compositeurs cubains. Enfin, il a abordé des éléments de musique classique avec Jean-Sébastien Bach.
«Ces éléments classiques, dit-il, sont notamment le sens d’élaboration thématique, les articulations et phrasés, les mouvements harmoniques implicites dans la mélodie et l’organisation des accords. J’ai également pris quelques fragments spécifiques des études de sonorité écrits par le compositeur québécois et ancien professeur à la Faculté de musique de l’Université Laval, François Morel.»
Une passion de toujours
Originaire de Cuba, Rafael Zaldivar vit au Québec depuis 16 ans. Il détient un doctorat en musique de l’Université McGill. Il s’est produit sur de nombreuses scènes et a joué avec de grands noms du jazz, comme Oliver Jones, Nate Smith et Greg Osby. Il a été artiste Révélation Jazz Radio-Canada en 2010-2011. Il a aussi été en nomination aux prix JUNO en 2013 et aux prix Félix de l’ADISQ en 2019. Cette dernière nomination concernait le premier disque du professeur. Intitulé Consecration, cet album aux accents afro-jazz a été réalisé en partie au Laboratoire audionumérique de recherche et de création de l’Université Laval. Les pièces s’inspirent de la culture des Yorubas issus de l’Afrique de l’Ouest et présents dans les Antilles. Un second opus est en marche. Y collaborent deux sommités du jazz, la percussionniste Terri Lyne Carrington et le saxophoniste Miguel Zenón. C’est par l’intermédiaire de Terri Lyne Carrington, qui enseigne au Berklee College of Music, que le professeur Zaldivar a reçu l’invitation à donner ses classes de maître.
«Le jazz, explique-t-il, correspond avant tout à une forme de vie africaine déracinée et transportée en Amérique pour des motifs économiques où elle est devenue une forme d’expression particulière que nous connaissons comme le jazz.»
Rafael Zaldivar a toujours eu la passion de la musique. «Pour moi, soutient-il, la musique n’est pas une option. C’est la seule option dans ma vie.»
Quant au jazz, il a traversé sa vie. «Mon parcours musical a commencé dans ma famille, raconte-t-il. Mes deux grands-pères étaient musiciens de jazz. Ils ont fait que je suis un musicien aux racines africaines. Le jazz me ressemble beaucoup. Avec lui, je partage mes racines. Mon influence jazz vient en même temps de l’Afrique et de Cuba. Ce jazz afro-cubain est syncopé, la superposition des rythmes est très présente.»