Encore aujourd’hui, la personnalité de Wilfrid Laurier nous fascine. Ce n’est pas par hasard si les Presses de l’Université Laval (PUL) viennent tout juste de lancer une deuxième édition revue et mise à jour d’une biographie de cet illustre politicien, écrite par Réal Bélanger, professeur au Département d’histoire. Intitulé Wilfrid Laurier. Quand la politique devient passion, l’ouvrage a été un livre à succès au moment de sa sortie en 1986, et a été réimprimé en 1990. En 2002, le Salon du livre de Montréal le plaçait sur la liste des 25 ouvrages marquants des 25 dernières années dans la catégorie «Biographie». Le livre est toujours recherché par les libraires, ce qui a incité les PUL à le rééditer.
«Le livre a nécessité 12 ans de travail, explique Réal Bélanger. Peu d’historiens canadiens français se sont penchés sur Wilfrid Laurier, sans doute en raison de l’envergure du personnage. En effet, sa carrière s’étend sur 48 années, dont 45 passées à la Chambre des communes du Canada, 15 d’entres elles à titre de premier ministre et 32 comme chef du Parti libéral. Bien peu de politiciens canadiens peuvent se targuer de posséder une telle feuille de route.»
Un Canadien battant
Dans cet ouvrage, qui s’adresse à la fois au grand public et aux spécialistes de l’histoire canadienne, Réal Bélanger présente les principaux moments de la vie publique et privée de l’homme. Né en 1841 à Saint-Lin, au Québec, avocat de formation, Wilfrid Laurier est devenu chef du Parti libéral du Canada en 1887, à une époque où le libéralisme était bien mal vu au Québec, notamment par le clergé qui associait cette doctrine aux révolutionnaires. Avec Laurier, le parti est non seulement sorti de l’opposition, mais il est aussi devenu un parti pragmatique et moderne, dans lequel, pendant près de trois décennies, Canadiens anglais et Canadiens français ont pu coopérer de manière satisfaisante.
«Le plus beau fleuron de la couronne du grand chef reste d’avoir amené le Québec dans le giron de son parti», affirme ainsi Réal Bélanger. Élu premier ministre du Canada en 1896 alors que le pays était aux prises avec une dépression économique et que sévissaient les conflits ethniques entre Canadiens français et Canadiens anglais, Wilfrid Laurier a choisi de mettre l’accent sur la liberté civile et religieuse, la tolérance, la conciliation et le compromis. En instaurant une vigoureuse politique d’immigration, il a mis l’Ouest du pays sur l’échiquier canadien, créant deux nouvelles provinces, l’Alberta et la Saskatchewan. Optimiste, enthousiaste, entouré d’une brillante équipe, Wilfrid Laurier fait alors du Canada le Dominion le plus important de l’Empire britannique, préparant ainsi la voie au Commonwealth britannique.
Avec sa haute taille et la noblesse de ses traits, Wilfrid Laurier, mort à Ottawa en 1919 à l’âge de 76 ans, aura fait battre des cœurs féminins, à commencer par celui de sa femme, Zoé, avec qui il vécut de nombreuses années, et ce, malgré une grande affection pour Émilie Barthe-Lavergne, une femme de la haute société qui exerça une grande influence sur lui. Quant à savoir si Armand Lavergne – qui présente une ressemblance frappante avec Laurier – serait le fruit de cette passion, il s’agit là d’une autre histoire. Ayant épluché toute la correspondance de Wilfrid Laurier et d’Émilie Barthe-Lavergne, Réal Bélanger demeure prudent sur la question, penchant plutôt pour une relation platonique, dans une réserve bien compréhensible d’historien. On pourra en savoir davantage d’ici peu, puisque Réal Bélanger prépare une biographie sur Armand Lavergne (Faculté de droit, 1902) qui a occupé la fonction de député au gouvernement fédéral de 1904 à 1930. Wilfrid Laurier. Quand la politique devient passion, PUL, 2007, 450 p.