Début du premier acte : pendant que les spectateurs circulent dans la pénombre, cherchant à saisir le sens de ce qui ressemble à une célébration du corps, des formes humaines se déploient et s’allongent sur des écrans géants. On entend des bruits et des voix. Tout est un peu confus. Rideau.
Suite et fin de l’expérience : un air d’opéra s’élève et la voix puissante de Marie-Louise Bourbeau réchauffe l’atmosphère avec un chant allemand du compositeur Gustav Mahler, clé de voûte de cet événement initiatique. Un animateur invite les participants à venir s’appuyer à une sorte de respirateur, grâce auquel ils vivront la musique de la même manière que la chanteuse et n’auront d’autre choix que d’accorder le rythme de leur respiration à l’artiste. Branché en quelque sorte à ces poumons artificiels d’où émane chaleur et douces vibrations, le spectateur se laisser enfin aller. Cette musique lui fait du bien, réchauffe son âme, incarnant presque le bonheur. Un sourire apparaît sur certains visages. Mais la musique s’arrête, l’expérience est terminée, sans qu’on sache les raisons de cette interruption soudaine. On allume les lumières, la magie a déjà quitté les lieux.
Se laisser aller
«Nous voulions que les participants ressentent la musique avec leur corps au lieu de l’aborder de façon intellectuelle. De ce point de vue, nous avons réussi», explique Geoffrey Edwards. Les études cognitives démontrent que l’écoute de la musique active en nous une représentation corporelle, c’est-à-dire musculaire de la musique, comme si nous la faisions nous-mêmes», dit le chercheur. Par ailleurs, le choix de présenter un chant en langue étrangère, en l’occurrence l’allemand, n’était pas fortuit. En ne comprenant pas les paroles, les gens pouvaient se laisser aller entièrement à la musique.»
«Les personnes éprouvent des blocages quand ils écoutent de la musique classique, constate pour sa part la chanteuse Marie-Louise Bourbeau. Ils se disent qu’ils n’y comprennent rien. Pourtant, il n’est pas nécessaire de "comprendre" la musique à tout prix pour pouvoir en jouir et c’est ce que prouve l’expérience d’Incarnatus. C’est en se laissant aller qu’on peut saisir l’essence d’une œuvre. Ces choses ne s’enseignent pas mais se vivent.»