
En mars dernier, au Grand Théâtre de Québec, le chanteur Alex Nevsky a interprété ses plus grands succès avec l'Orchestre symphonique de Québec.
— OSQ
Du côté de l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM), on observe la même tendance, avec des artistes comme Paul Piché, Betty Bonifassi, les Cowboys Fringants et Michel Pagliaro. «Ce type de concerts est assez fréquent depuis le tournant des années 2000, note Laura Trottier, étudiante en musicologie. L'OSM, par exemple, a fait une large place à la musique populaire avec une série de concerts intitulés OSM Pop. Il présente aussi la Virée classique, une programmation estivale qui touche à différents horizons musicaux, en plus de faire des spectacles de Noël en collaboration avec des artistes comme Fred Pellerin. Chez l'OSQ, c'est également une pratique très bien ancrée. Chaque année, l'ensemble fait appel à des vedettes, des “valeurs sûres” qui font souvent salle comble, telles que Louis-Jean Cormier et Patrick Watson.»
Sous la direction de la professeure Sophie Stévance, l'étudiante prépare un mémoire sur cette pratique, le cross-over, qui consiste à croiser deux ou plusieurs styles de musique. Diplômée du Conservatoire de musique de Québec en piano et elle-même amatrice de musique populaire, elle s'intéresse plus particulièrement aux stratégies de l'OSQ et de l'OSM. Pour cela, elle analyse l'ensemble des concerts proposés depuis la saison 2000-2001, en plus de parcourir la littérature scientifique sur le sujet du cross-over en musique classique.
Pour l'étudiante, cette stratégie vise avant tout à rejoindre de nouveaux publics. «Selon moi, il s'agit d'une action de démocratisation culturelle qui permet une plus grande ouverture des institutions symphoniques au public. En plus d'offrir de belles possibilités créatives, ces concerts donnent davantage de visibilité aux ensembles. Plusieurs spectateurs peuvent se sentir intimidés par le décorum souvent associé aux institutions symphoniques et classiques. Ils seront plus à l'aise de faire leurs premiers pas avec un concert de musique populaire.»
La stratégie du cross-over, précise-t-elle, n'est pas propre au Québec. Partout à travers le monde, des ensembles en ont même fait leur marque distinctive. En plus de faire appel à des artistes bien connus, ils n'hésitent pas à adapter les grandes œuvres à la sauce disco, rock ou rap. À tout cela s'ajoutent des concerts de musiques de films ou de jeux vidéo ou encore des comédies musicales. Aux puristes qui s'insurgent contre cette pratique, Laura Trottier rappelle que l'intégration de divers styles de musique au répertoire n'est pas nouvelle dans l'histoire des orchestres symphoniques. «Au 19e siècle, ces institutions avaient intérêt et avantage à jouer des œuvres pour plaire au public. En consultant la littérature de l'époque, on voit une belle variété de concerts jusqu'au moment où de grands compositeurs classiques ont fait leur marque. Par la suite, les orchestres symphoniques sont devenus frileux à présenter de la musique populaire ou même des œuvres de compositeurs vivants.»
L'étudiante insiste sur l'importance de briser les frontières entre musique symphonique et culture populaire. «Il n'y a plus de dichotomie entre ces deux univers. Il n'aurait même jamais dû y en avoir! Pour survivre dans le marché de la culture, qui est très prolifique, tout organisme doit être en mesure de s'adapter aux publics. Le temps est venu de comprendre que les musiques classique et populaire s'équivalent et peuvent être présentées et valorisées de la même façon.»

Photo : OSQ

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