
Noémie Trelles-Boucher, étudiante à la maîtrise à la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval
— Université Laval, Yan Doublet
La série Échantillons de la recherche raconte l'expérience de membres de la communauté étudiante en recherche. Ils partagent un aperçu de leur projet aux cycles supérieurs.
En musique comme au hockey, la question de timing est importante. Mais qui des instrumentistes ou des sportifs sont meilleurs quant à la perception du temps? C'est la question à laquelle Noémie Trelles-Boucher, étudiante à la maîtrise à la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval, veut répondre à travers son projet de recherche.
Plusieurs études se sont intéressées aux musiciennes et musiciens, mais les joueuses et joueurs de hockey passent souvent sous le radar. «Pourtant, c'est un sport qui compte beaucoup sur les indices spatio-temporels, tels que la vitesse et la position des joueurs ou de la rondelle», soutient l'étudiante, sous la direction du professeur Simon Grondin.
Une question de temps… et d'expertise
Sa recherche mettra en lumière la richesse des processus cognitifs liés à la perception du temps. Elle pourrait avoir des retombées concrètes, notamment dans l'entraînement sportif ou musical, en identifiant les forces spécifiques de chaque groupe.
Pour déterminer comment ces deux univers influencent la capacité à estimer le temps avec précision, Noémie a recruté des participantes et participants ayant au moins 10 ans de pratique dans leur discipline respective, soit environ 4000 heures d'expérience. S'ajoute un groupe témoin, composé de personnes sans formation musicale ni expérience sportive intensive. Tous ont été soumis à trois types de tâches: la discrimination, la reproduction et la production d'intervalles temporels.
Dans la tâche de discrimination, les participantes et participants mémorisent deux durées d'intervalle standard, un court et un long, et jugent si les intervalles de comparaison qui suivent se rapprochent du premier ou du second. Cet intervalle peut être un son ou un flash lumineux. La tâche de reproduction, elle, consiste à reproduire la durée d'un stimulus auditif ou visuel en maintenant une touche enfoncée. Enfin, la tâche de production demande de générer une durée précise exprimée en unités chronométriques à l'écran, sans stimulus sonore ni visuel, en appuyant sur une touche. Par exemple, on demande à la personne participante de produire une seconde et elle maintient la touche pendant ce qui lui semble être une seconde.
Des résultats surprenants
Les résultats montrent que les personnes musiciennes se démarquent par une meilleure constance dans leurs réponses aux trois tâches comparativement aux autres groupes. «Je m'attendais à ce que les hockeyeurs soient moins variables que le groupe témoin, mais ce n'est pas le cas», indique-t-elle. L'étudiante rapporte que les personnes jouant au hockey ne se distinguent pas du groupe témoin dans leur perception des durées, sauf dans la tâche de production où elles sous-estiment significativement moins la durée. Le résultat était le même pour les personnes musiciennes lorsqu'elle les comparait aux témoins. Elle souligne également qu'aucune différence notable entre les groupes n'a été observée pour la durée perçue dans les autres tâches.
Ce résultat suggère que la tâche de production mobilise des mécanismes distincts de ceux impliqués dans la tâche de reproduction. «La pratique régulière d'un sport ou d'un instrument pourrait affiner l'horloge interne en favorisant la synchronisation avec des unités temporelles», ajoute-t-elle.
L'envers de la recherche universitaire
Déjà adepte de musique et de sport, Noémie a développé un certain plaisir pour les chiffres à travers son projet. «J'ai longtemps fui les statistiques. Quand on nous les enseigne, c'est très abstrait, mais quand on comprend qu'elles servent à répondre à une vraie question de recherche, ça devient motivant», dit-elle en riant.
Ses travaux lui ont aussi fait découvrir le côté humain de la recherche. «Avant d'aller à la maîtrise, je pensais que la recherche était quelque chose de solitaire, mais que ce soit par des collaborations avec des collègues ou dans des congrès, ça donne des échanges stimulants et j'apprends plein de choses. C'est une bonne façon de maintenir son intérêt.»
Au laboratoire, elle a aimé collaborer avec les personnes participantes, même si l'expérimentation ne se passe pas toujours comme prévu. «Quand tu passes la première personne, c'est là que les erreurs se produisent. Soudainement, la porte du local de tests ne se ferme plus, la tâche ne s'enregistre pas, donc la personne doit recommencer. Ça fait partie de l'expérience, et les participants sont compréhensifs», raconte-t-elle.
Et après la maîtrise? Noémie garde l'esprit ouvert. Une chose est sûre: sa curiosité et son enthousiasme pour la recherche sont bien ancrés. Peut-être qu'un jour ses travaux aideront à mieux comprendre comment notre cerveau perçoit le temps… que l'on soit sur la glace ou dans une salle de concert.