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Le 2e Rendez-vous de l'action climatique, une initiative de l'Institut EDS de l'Université Laval, se tient les 20 et 21 mai au pavillon La Laurentienne sur le thème «Mobiliser les connaissances pour mieux agir!».
Le 20 mai, la professeure Anne-Sophie Denault, du programme de psychoéducation au Département des fondements et pratiques en éducation, a fait une présentation durant la session «Mobilisation des jeunes et des familles». Son intervention a porté sur les ingrédients clés de la mobilisation jeunesse en environnement sous l'angle de l'écoanxiété observée chez un nombre croissant d'adolescentes et adolescents, un aspect méconnu de la crise climatique actuelle.
«La plus récente Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire de l'Institut de la statistique du Québec, réalisée auprès de plus de 70 000 jeunes, indique qu'environ 1 élève sur 5 dit ressentir de l'écoanxiété souvent, alors que 1 élève sur 10 rapporte en ressentir toujours ou presque toujours, explique la professeure. Les chiffres sont vraiment élevés. Une façon de gérer ces émotions est de mettre les élèves en action et de les mobiliser dans la cause environnementale.»
Elle ajoute que les intervenantes et intervenants jeunesse, dont les personnes psychoéducatrices, seront tôt ou tard confrontés à des adolescentes et adolescents aux prises avec des écoémotions négatives, et devront les accompagner et les soutenir.
Croiser les écrits scientifiques et les savoirs expérientiels
Dans une étude à paraître, la chercheuse décrit la démarche qu'elle a entreprise pour aider les organismes jeunesse dans leur réflexion auprès de cette clientèle. Son projet de recherche vise aussi à aider les intervenantes et intervenants à réfléchir à leur pratique et qui auraient envie de créer des initiatives pour ces jeunes.
Comme première étape, elle a fait une synthèse des écrits scientifiques sur la question. Ensuite, elle a élaboré un questionnaire qu'elle a rendu disponible en ligne à une dizaine d'organismes jeunesse qui offrent des activités aux élèves du secondaire sur les enjeux environnementaux. Le questionnaire avait pour but de recueillir les savoirs expérientiels du personnel travaillant avec les jeunes. Il est resté en ligne jusqu'au mois de mai 2024. Trente personnes ont fourni des réponses complètes. Environ 60% d'entre elles ont dit travailler depuis 5 ans et moins avec des adolescentes et adolescents.
«Je suis allée plus loin en mettant sur pied une activité réunissant des intervenants jeunesse pour qu'ils puissent construire en équipe un modèle logique d'intervention idéal, souligne Anne-Sophie Denault. Ce modèle psychoéducatif vise à guider les personnes intervenantes et les organismes jeunesse dans la planification d'activités qui visent à diminuer les écoémotions négatives des élèves du secondaire, puis à augmenter leurs capacités adaptatives face à la crise climatique.»
Plusieurs types d'activités sont possibles. Donner plus de place des enjeux environnementaux à l'école est un exemple, tout comme organiser des activités d'observation de la nature. Monter des activités expérimentales et scientifiques est une autre possibilité. Il y a aussi l'identification des problèmes vécus dans la communauté, le quartier, des problématiques très locales à la portée des personnes adolescentes.
L'étude de la professeure Denault véhicule trois messages: reconnectons les jeunes avec la beauté de la nature, mettons en place des initiatives jeunesse ancrées dans les communautés et transformons les normes sociales positives autour de la mobilisation jeunesse.
«On protège ce que l'on aime, c'est aussi simple que cela! résume-t-elle. Devenons aussi des modèles pour nos jeunes. Écoutons ce qu'ils ont à proposer et impliquons-les dans le processus. S'impliquer pour protéger la planète doit devenir cool à l'adolescence. Tout le monde a un rôle à jouer pour faire passer le message.»
L'engagement écoresponsable exprimé dans une cinquantaine de témoignages

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Toujours durant la session «Mobilisation des jeunes et des familles», l'étudiante à la maîtrise en sociologie à l'Université Laval, Dominique Duchesne, a fait part des résultats de la recherche qu'elle a menée l'an dernier dans le cadre d'un projet de recherche plus large sur la consommation énergétique et la culture des usagers québécois de l'électricité. Sa recherche sur les pratiques d'économie d'énergie et écocitoyennes est basée sur l'analyse qualitative d'un corpus de 53 entretiens semi-dirigés, menés sur 3 sites d'enquêtes, auprès de parents de jeunes enfants vivant dans une maison avec cour. Les sites d'enquête étaient une ancienne paroisse de bungalows des années 1950 dans l'arrondissement de Sainte-Foy, un quartier dont la construction a commencé autour de 2015 sur la Rive-Sud de Québec, et un village de la MRC de Lotbinière.
Quant aux pratiques d'économie d'énergie et écocitoyennes, elles comprennent de petits et grands gestes d'économie d'énergie, voire des écogestes, comme éteindre les lumières des pièces inoccupées, améliorer l'isolation du bâtiment et acheter local. «La manière de s'y engager, explique l'étudiante, diffère d'abord entre ceux qui sentent plus fortement un devoir de participer à un mouvement collectif et d'autres personnes pour qui les économies d'énergie se font plutôt dans le soin de s'occuper de leurs besoins, de leurs affaires et des aspirations des membres de leur ménage.»
Selon elle, les écarts substantiels de revenus entre les ménages au Québec affectent la disposition de nombreux ménages à faire des choix bénéfiques pour l'environnement et le climat. «Par exemple, précise-t-elle, les ménages dont le revenu familial, le statut et la stabilité d'emplois assurent une moins grande flexibilité budgétaire limitent leurs options et leur capacité d'action. Ils sont notamment moins disposés à acquérir la propriété d'un logement situé dans un quartier central.»
Dans bien des cas, les participantes et participants à l'enquête ne se sont pas montrés capables de définir la transition énergétique de manière élaborée. L'une d'elles a répondu: «My God, j'ai aucune idée». Une autre a dit: «La transition énergétique? J'irais voir sur Google!».
Des réactions différentes selon les espaces habités
Des mesures d'action climatique proposées aux participantes et participants ont suscité des réactions différentes selon les espaces habités. Un des scénarios portait sur l'écofiscalité et se formulait ainsi: «Il faudrait que les municipalités imposent plus de frais aux constructions neuves pour limiter l'étalement urbain».
«Les positions exprimées, dit-elle, ont révélé une division marquée des opinions entre, d'un côté, les parents de la banlieue centrale de Québec et, de l'autre, les parents résidant dans un village de la MRC de Lotbinière. Tandis que ceux de l'arrondissement de Sainte-Foy se sont montrés favorables à cette mesure, la plupart des parents de la MRC de Lotbinière ne conçoivent pas l'étalement urbain comme un problème et prétendent que cela est bon pour le développement et la vitalité des localités.»
De manière générale, les réactions des 53 parents rencontrés témoignent d'un relatif consensus favorable aux mesures incitatives de luttes contre les changements climatiques. On observe par contre une résistance et des réserves à propos des contraintes législatives et des régulations économiques. Comme exemple de contrainte, mentionnons le fait de fixer une date à partir de laquelle l'usage des véhicules à essence serait terminé au Québec. Comme exemple de régulation, mentionnons l'imposition d'une taxe environnementale pour dissuader l'achat de gros véhicules incluant les camionnettes (pick-up) et les véhicules utilitaires sport.
En conclusion, Dominique Duchesne croit que les résultats de cette étude permettent de mieux anticiper les dispositions des ménages à ajuster ou non leurs pratiques d'économie d'énergie et écocitoyennes en rétroaction à différentes approches telles qu'un appel à un effort collectif volontaire ou la diffusion de campagnes de sensibilisation.
Le 2e Rendez-vous de l'action climatique organisé par l'Institut EDS s'inscrit dans le cadre du chantier L'ambition climatique du Plan institutionnel ULaval 2023-2028.