19 décembre 2024
L’assurance pour animaux de compagnie: un cadeau à s’offrir?
Ce produit d’assurance peut être une bonne option, mais il comporte des particularités auxquelles les consommatrices et consommateurs devraient s’attarder, prévient la professeure de droit Cinthia Duclos
Votre famille vient d'adopter un chiot et vous songez à prendre une assurance pour couvrir ses éventuels frais médicaux? Vous pensez sûrement que ce contrat sera très similaire à votre propre police d'assurance santé privée. Erreur! Même si ce contrat présente des caractéristiques semblables à l'assurance de personnes, il est régi par le droit relatif à l'assurance de dommages. Qu'est-ce que ça change? En fait, plusieurs choses.
Au Québec, le droit des assurances distingue deux grandes catégories: l'assurance de personnes, qui protège la vie et la santé des individus, et l'assurance de dommages, qui protège leur patrimoine. L'animal n'étant pas une personne, ce sont les règles de la seconde catégorie qui s'appliquent, et ce, même si l'assurance pour animaux de compagnie est largement inspirée, voire calquée, sur l'assurance de personnes. «Bref, c'est un produit très singulier, qui cadre mal avec la législation québécoise», explique Cinthia Duclos, professeure à la Faculté de droit et directrice du Laboratoire en droit des services financiers (LABFI), qui a organisé un midi-causerie sur la question.
Un produit d'assurance peu connu
Au Québec, 65% des propriétaires de chats ou de chiens affirment n'avoir jamais entendu parler de ce type d'assurance. Pourtant, ce produit est distribué au Canada depuis un peu plus de 30 ans. D'ailleurs, à l'échelle du pays, moins de 4% des ménages qui possèdent un chat ou un chien ont une telle assurance, alors qu'en Suède, près de 50% de ces ménages en ont une. Qu'est-ce donc que ce produit si peu répandu?
Il s'agit d'un service financier qui, en cas d'accident ou de maladie, indemnise les dépenses engagées pour soigner l'animal: honoraires de vétérinaire, traitements, médicaments, prothèses, etc. Pour souscrire l'assurance, le propriétaire doit dévoiler les antécédents médicaux de son animal et le soumettre à un examen vétérinaire. Seront alors exclues du contrat les conditions de santé préexistantes.
En plus de la couverture de base, les contrats peuvent inclure des couvertures particulières comme une annulation voyage pour rester au chevet d'un animal malade, une pension animale en cas d'hospitalisation du propriétaire, ou encore les frais de publicité et de récompense pour un animal égaré. En fait, il n'existe pas de libellé standard dans ce type d'assurance, et les couvertures, les exclusions et le montant de la franchise varient énormément d'un assureur à l'autre.
Finalement, bien qu'il puisse exister des contrats spécifiques à d'autres espèces, l'assurance pour animaux de compagnie s'applique habituellement aux chats et aux chiens. Le montant de la prime sera déterminé en fonction de l'espèce – parfois même de la race – et de l'âge de l'animal. De manière générale, pour une couverture moyenne, on peut estimer la prime à 80$ par mois, ce qui revient à environ 1000$ par année.
Les animaux sont-ils des biens?
Depuis 2015, le Code civil du Québec ne considère plus les animaux comme des biens. Afin de protéger leur bien-être, le législateur a amendé l'article 898.1 pour en faire des «êtres doués de sensibilité». Toutefois, il y est aussi stipulé que «les dispositions du présent code et de toute autre loi relative aux biens leur sont néanmoins applicables.»
— Cinthia Duclos, professeure à la Faculté de droit
Or, appliquer le droit des biens pour encadrer un contrat d'assurance santé pour un être vivant, dont la condition physique évolue différemment d'un objet, entraîne certaines conséquences. Par exemple, en assurance de personnes, si vous avez déclaré de bonne foi vos antécédents médicaux, une fois le contrat conclu, vous ne serez pas tenu de déclarer les changements dans votre état de santé. En assurances de dommages, l'assureur peut exiger d'être informé de l'aggravation du risque – c'est-à-dire des changements dans la condition d'un bien – et il peut revoir les primes en fonction du nouveau risque.
Présentement, certains contrats en assurance d'animaux de compagnie sont reconduits mensuellement. Ainsi, si vous omettez d'informer votre assureur des récents bobos de pitou, il est possible que votre prochaine réclamation soit refusée. «On se retrouve dans une situation où on a l'impression qu'on ne peut pas vraiment garantir l'assurabilité à long terme de notre animal», commente Cinthia Duclos.
Comment pourrait-on régler ce problème? «Les tribunaux pourraient influencer l'interprétation qu'on fait de ces contrats d'assurance. Toutefois, jusqu'à maintenant les litiges ont impliqué des dommages de moins de 15 000$ et se sont tous retrouvés à la cour des petites créances. Il n'y a donc pas de jurisprudence. Ce qui serait le plus efficace serait de créer une nouvelle catégorie d'assurances, afin que les animaux ne se retrouvent plus dans la catégorie d'assurances de dommages. Mais ce n'est pas si simple. Pour une raison d'uniformisation des autorisations d'exercice, la Loi sur les assureurs du Québec est similaire aux autres lois d'assurance en Amérique du Nord. L'Autorité des marchés financiers pourrait peut-être faire des changements réglementaires, mais, pour l'instant, le régulateur préfère rester à l'affût des développements de ce produit d'assurance encore émergent», indique la professeure.
Devrait-on souscrire une telle assurance?
Le fait que l'assurance de dommages intègre l'assurance pour les animaux de compagnie présente un autre désavantage: ce produit est vendu par des courtières et courtiers autorisés à exercer dans ce domaine. Bref, ce sont des spécialistes de l'assurance auto et habitation, généralement peu formés en assurance santé, qui doivent répondre aux questions de la clientèle. «La formation insuffisante des représentantes et représentants constitue une des grandes faiblesses de ce produit niché», indique Cinthia Duclos.
«De plus, ajoute-t-elle, ces assurances sont distribuées ici, mais offertes par des compagnies non québécoises, surtout ontariennes. On peut donc se demander si les contrats présentent une traduction française de bonne qualité, s'ils sont parfaitement compatibles avec le droit québécois et si ces compagnies offrent un service de traitement des plaintes en français.»
Tous ces petits bémols doivent-ils nous détourner de ce type d'assurance? «Pas nécessairement, répond la professeure Duclos. Ce n'est pas un mauvais produit, mais il doit encore faire l'épreuve du temps et des tribunaux. Il faut rester vigilants.»
Que conseillerait la professeure aux gens qui veulent acheter ce produit? «Tout d'abord, de s'informer sur les modifications potentielles du contrat. Quels sont les effets d'une divulgation de maladie? À quelle fréquence la révision de la police a-t-elle lieu? La prime peut-elle évoluer avec le temps? Ensuite, de demander des exemples clairs et concrets des exemptions», conclut la spécialiste du droit des services financiers.
Visionner le midi-causerie «L'assurance pour animaux de compagnie: un produit pas comme les autres»
En savoir plus sur les prochains midis-causerie du LABFI, qui ont pour objectif de démocratiser le droit des services financiers en vulgarisant certains concepts clés de ce domaine juridique