Lorsque Jacques Duchesne a fondé Les Treize, en 1949, il ne se doutait peut-être pas de l'ampleur qu'allait prendre son initiative. Grâce à cette troupe, de nombreux comédiens aujourd'hui bien connus ont fait leurs premiers pas sur scène, de Rémy Girard à François Létourneau. Devenue une véritable institution sur le campus, cette troupe a aussi compté en ses rangs des personnalités qui ont fait leur marque dans d'autres domaines artistiques, comme Gilles Vigneault et Marie Laberge.
«Plusieurs raisons expliquent la longévité des Treize, souligne son actuel président, Alexandre Paquet. La principale est qu'il s'agit d'une bonne plateforme d'entrée dans le monde artistique. Pour les gens qui veulent s'initier aux arts de la scène sans passer par le parcours traditionnel du conservatoire ou des études en arts, la troupe peut servir de rampe de lancement.»
Pour cet étudiant au doctorat en neurosciences, qui s'implique au sein des Treize depuis un an et demi, le succès de la troupe réside aussi dans les liens forts qu'elle permet de créer. «Ce qui motive mon implication et celle de plusieurs autres, ce sont les gens extraordinaires que l'on rencontre. Pour socialiser et nouer des liens, le théâtre est un milieu propice.»
Pour souligner le 75e anniversaire de la troupe, son équipe prépare un événement de retrouvailles, le mercredi 11 décembre, dès 19h, à l'espace Jardin du pavillon Alphonse-Desjardins. Toute la communauté universitaire, les anciens membres de la troupe, collaborateurs passés ou actuels et amoureux de théâtre sont invités à participer à cette rencontre où il y aura allocutions, projection de photos et exposition d'affiches d'anciennes productions.
Pour organiser cette célébration, la troupe a plongé dans ses archives pour faire ressortir les souvenirs et les moments marquants qui ont jalonné le parcours de l'association. «Les affiches montrent la diversité, mais aussi l'énorme quantité de pièces produites au fil du temps. Certaines années, Les Treize pouvait monter jusqu'à 11 productions», rappelle Alexandre Paquet.
Que peut-on souhaiter aux Treize pour l'avenir? «De se rendre jusqu'au 100e anniversaire, répond l'étudiant, qui a bon espoir de voir cet objectif se réaliser. On peut aussi souhaiter que la troupe continue de faire naître des passions et cultiver l'esprit de camaraderie, comme elle le fait chaque année depuis 75 ans.»
Voir le carrousel ci-dessous pour (re)découvrir en images quelques anciennes productions.
Normand Chouinard: un ancien se souvient
L'acteur et metteur en scène Normand Chouinard a joint les Treize en 1967 alors qu'il était étudiant en droit. Pendant cinq ans, il a multiplié les projets sous la direction de metteurs en scène de la trempe d'André Brassard et Raymond Cloutier. Il a joué aux côtés de Rémy Girard, Monique Proulx, Jean Barbeau, Marie Laberge, Dorothée Berryman, Raymond Bouchard, Martine Beaulne et tant d'autres.
Aujourd'hui âgé de 76 ans, il raconte cette histoire avec enthousiasme. «C'était une période faste pour la troupe, avec énormément de volontaires et de passionnés de théâtre. C'était aussi l'époque de la naissance des créations collectives et des revendications étudiantes de Mai 68.»
L'acteur se souvient que chaque production devenait un événement médiatique d'envergure qui attirait les foules, puisqu'il y avait peu d'organismes et de lieux de diffusion dans le paysage culturel de Québec.
Désireuse de désinstitutionnaliser les arts vivants, la troupe avait quitté le Théâtre de la cité universitaire, son quartier général, pour jouer dans les différentes cafétérias sur le campus, mais aussi dans des cégeps, des écoles et même des usines. «On voulait faire du théâtre ambulant, partout sauf dans les salles. Nous étions à la fois auteurs, comédiens, musiciens, chanteurs, danseurs: on faisait tout et tout était possible. Il était important pour nous que les créateurs puissent s'exprimer dans toutes leurs facettes.»
Porté par ce bouillonnement créatif, Normand Chouinard s'est retrouvé déchiré entre deux options: devenir acteur ou se concentrer sur le droit, son domaine d'études. Il se souvient du moment précis où il a pris sa décision: «Un soir, la troupe s'était réunie chez un des membres. Après quelques bières, la discussion est venue sur notre avenir et le fait que l'on est assis entre deux chaises, nos études et le théâtre», relate-t-il en riant.
Lors de la cérémonie du Barreau, où les futurs avocats doivent prêter serment, Normand Chouinard était absent, parti faire une audition au Conservatoire d'art dramatique de Québec avec son ami Rémy Girard. La suite, on la connaît: les deux hommes sont devenus des piliers de la culture québécoise, tout comme plusieurs autres artistes qu'ils ont côtoyés aux Treize.
Aux membres actuels de la troupe qui espèrent percer dans le monde du théâtre, Normand Chouinard livre ce conseil: «Continuez de développer votre culture générale à l'université tout en laissant une place à une possible consécration dans ce métier. Autrement dit, n'arrêtez pas d'étudier. Étudiez, lisez, écrivez. Si le théâtre est votre place, toute cette période de maturation vous aura été très utile.»
Pour sa prochaine saison, qui se déroulera d’avril à mai, la troupe Les Treize présentera quatre pièces:
- Five Kings: L’histoire de notre chute, d’Olivier Kemeid
- Les pieds des anges, d'Évelyne de la Chenelière
- Le dindon, de Georges Feydeau
- Le pillowman, de Martin McDonagh (traduit par Fanny Britt)
Plus d’information à venir sur la page Facebook des Treize