4 novembre 2024
Une molécule du cannabis efficace contre la levure qui cause le muguet buccal et certaines infections vaginales
Le cannabidiol freine radicalement la croissance in vitro de Candida albicans, le microorganisme responsable de la plupart des infections à Candida chez l'humain
Pourrons-nous un jour traiter le muguet buccal ou les infections vaginales à levures à l'aide de produits contenant du cannabidiol, une molécule présente dans le cannabis? La chose n'est pas impossible, si l'on en juge par les résultats d'une étude publiée dans le Canadian Journal of Microbiology par une équipe de recherche dirigée par le professeur Mahmoud Rouabhia, de la Faculté de médecine dentaire de l'Université Laval.
Rappelons que le muguet buccal et les infections vaginales à levures sont causés par des microorganismes du genre Candida, dont le plus courant est Candida albicans. «Cette levure est présente chez 70% à 90% de la population, souligne Mahmoud Rouabhia. En conditions normales, elle ne cause pas de tort à son hôte. En revanche, chez les bébés et chez les personnes dont le système immunitaire est perturbé ou affaibli, C. albicans peut proliférer et causer des infections, appelées candidoses, qui touchent les muqueuses de la bouche, mais aussi la peau, le système digestif et les organes génitaux. Dans de rares cas, C. albicans peut s'infiltrer dans le sang et causer une infection systémique qui pose des risques importants pour la santé. Environ 40% des personnes chez qui cela se produit en meurent.»
Pour soigner les candidoses, les médecins font appel à des antifongiques. «Ces produits peuvent avoir d'importants effets secondaires. De plus, depuis quelques années, des souches résistantes sont apparues. Comme il faut trouver des solutions de remplacement, nous avons eu l'idée d'évaluer le potentiel du cannabidiol, aussi connu sous le nom de CBD, contre C. albicans», explique le professeur Rouabhia, qui réalise ses travaux au sein du Groupe de recherche en écologie buccale de l'Université Laval et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Le chercheur et son équipe ont donc évalué l'effet de différentes concentrations de CBD sur des cultures in vitro de C. albicans. «Nous avons exposé ces cultures une ou deux fois à différentes concentrations de CBD. Lorsqu'il y avait une deuxième exposition, elle avait lieu 12 heures après la première. Nous voulions ainsi reproduire les posologies couramment utilisées lors d'un traitement aux antibiotiques», explique le professeur Rouabhia.
L'effet de ces traitements, qui a été évalué après 24 heures d'exposition, a dépassé les attentes de l'équipe de recherche. Les cultures de C. albicans exposées une fois au CBD ont un taux de croissance jusqu'à 4 fois moins élevé que les cultures non traitées. Avec deux doses, le taux de croissance est réduit jusqu'à 10 fois.
Par ailleurs, le pourcentage de levures mortes ou mourantes, qui s'établit à 0% dans les cultures non traitées, passe à 8% en 24 heures dans les cultures exposées une fois au CBD. «Le cannabidiol dégrade la membrane des levures, explique le professeur Rouabhia. Lorsque la membrane s'ouvre, les levures se vident de leur contenu et meurent.»
— Mahmour Rouabhia
«Ces résultats laissent entrevoir la possibilité d'intégrer le cannabidiol à des rince-bouches, des crèmes ou des pansements servant à traiter des infections à Candida, poursuit le chercheur. En plus, le cannabidiol a des propriétés anti-inflammatoires, ce qui pourrait favoriser la guérison des tissus. Il reste encore beaucoup d'étapes à franchir avant que de tels produits soient commercialisés, mais jusqu'à présent, c'est très encourageant.»
Les autres signataires de l'étude publiée dans le Canadian Journal of Microbiology sont Maryam Bahraminia, Shujun Cui, Ze Zhang et Abdelhabib Semlali, de l'Université Laval, et Étienne Le Roux, Camille Lajoie, François Béland et Kelly-Anne Giroux, de SiliCycle.