20 septembre 2024
Gaucher ou droitier dans la LNH: le pays d'origine des joueurs a une forte influence
La proportion de joueurs de la Ligue nationale de hockey qui lancent de la droite est pratiquement deux fois plus élevée parmi les Américains que parmi les Européens et les Russes. Le baseball pourrait être en cause.
Dans la Ligue nationale de hockey (LNH), la proportion de joueurs qui lancent de la droite est pratiquement deux fois plus élevée parmi les joueurs originaires des États-Unis que parmi ceux qui viennent d'Europe ou de Russie. Ces préférences latérales reposeraient en partie sur des différences culturelles, notamment la popularité de la pratique du baseball chez les jeunes, avance une équipe de chercheurs de l'Université Laval dans une étude publiée par la revue Scientific Reports.
«Pour des tâches unimanuelles comme écrire, tenir une raquette ou lancer une balle, la manualité est définie par la main avec laquelle une personne est le plus à l'aise pour exécuter l'activité, explique le responsable de l'étude, Simon Grondin, professeur à l'École de psychologie et chercheur au Centre de recherche CERVO. Selon l'activité considérée, le pourcentage de gauchers dans la population va de 10% à 18%. Pour des tâches bimanuelles comme le baseball ou le hockey, c'est la main qui est positionnée le plus près du centre du bâton qui définit si un joueur est droitier ou gaucher.»
Afin de mieux comprendre les facteurs qui expliquent les préférences latérales dans les activités bimanuelles, le professeur Grondin et ses collaborateurs Pier-Alexandre Rioux et Daniel Fortin-Guichard ont compilé, à l'aide de la base de données de la LNH, des informations sur les 7478 joueurs qui ont évolué dans cette ligue depuis sa création, en 1917, jusqu'à la saison 2022-2023.
Leurs analyses ont révélé que 63% des joueurs qui ont évolué dans la LNH pendant cette période lançaient de la gauche. «Ce pourcentage fluctue selon le pays d'origine, constate toutefois Simon Grondin. Il se situe à 75% chez les Russes, à 74% chez les Européens, à 63% chez les Canadiens et à 54% chez les Américains. Le corolaire est que le pourcentage de joueurs qui lancent de la droite chez les joueurs américains (46%) est presque deux fois plus élevé que ce qu'on observe chez les joueurs russes ou européens (26%).»
Il est peu probable que des différences génétiques ou épigénétiques entre ces populations puissent expliquer de tels écarts, estime le chercheur. Selon lui, la proportion relativement élevée de joueurs qui lancent de la droite parmi les joueurs américains dans la LNH, et dans une moindre mesure parmi les joueurs canadiens, pourrait s'expliquer en partie par l'influence du baseball en bas âge. «Ce sport est très populaire aux États-Unis, un peu moins au Canada et il est peu pratiqué en Russie et en Europe. Au baseball majeur, les deux tiers des joueurs américains frappent de la droite. Cette préférence pourrait être transposée au hockey», avance-t-il.
Le cas des athlètes originaires du Canada qui ont évolué dans les Ligues majeures de baseball depuis 1917 tend à soutenir l'hypothèse de la transposition entre sports. Une étude publiée en 2018 a montré qu'environ 52% de ces joueurs frappent de la gauche, un pourcentage nettement supérieur aux 37% de joueurs américains qui frappent de la gauche dans le baseball majeur. «Au Canada, c'est la préférence latérale observée au hockey qui serait transposée au baseball», poursuit le chercheur.
Le professeur Grondin reconnaît que l'interprétation des résultats de cette étude est spéculative. «Ce qui détermine les préférences latérales est un sujet très complexe qui interpelle la génétique, l'épigénétique et la culture. Il faudra encore beaucoup de travail avant d'en percer tous les mystères. Le cas du hockey est fascinant parce que ce sport requiert une combinaison de finesse pour le contrôle de la rondelle et de puissance pour la force des tirs.»