Le 13 mai, la professeure Isabelle Denis, de l’École de psychologie de l’Université Laval, a présenté en ligne une capsule vidéo sur l’écoanxiété chez les jeunes. Cet exposé faisait partie d’une série de sept capsules animées par autant de professeurs de la Faculté des sciences sociales et consacrées à la thématique du dérèglement du climat.
En 2021, une étude internationale menée dans une dizaine de pays auprès de 10 000 personnes âgées de 16 à 25 ans révélait que 75% de ces jeunes avaient l’impression que «le futur fait peur», 56% pensaient que «l’humanité est condamnée» et 39% hésitaient à avoir des enfants en raison des changements climatiques.
Selon elle, dans l’histoire récente, le phénomène d’écoanxiété suit de près l’apparition des changements climatiques.
«Plusieurs études, dit-elle, montrent que les enfants, les adolescents et les jeunes adultes seraient davantage touchés par l’écoanxiété de par le fait qu’ils sont particulièrement sensibilisés aux changements climatiques. Des études montrent que certains d’entre eux ont une grande connexion avec la nature, d’autres se sentent particulièrement impuissants par rapport aux changements environnementaux. D’autres enfin ont peu ou pas d’espoir quant aux politiques gouvernementales relatives à ces changements. Ces derniers sont particulièrement vulnérables à l’écoanxiété.»
Une capacité développementale insuffisante
Les personnes écoanxieuses s’inquiètent à différents degrés des changements environnementaux. Ce sentiment peut se manifester par les pensées, comme l’anticipation d’un événement négatif et de ses conséquences, les sensations physiques comme les palpitations cardiaques, et les comportements, comme penser volontairement à autre chose.
Selon la professeure Denis, les enfants sont de plus en plus sensibilisés aux questions liées aux changements climatiques et leurs impacts négatifs. «Ils sont sensibilisés, à l’école notamment, et c’est un sujet dont on parle beaucoup dans les médias traditionnels et dans les médias sociaux, explique-t-elle. Ils ont donc accès tôt à beaucoup d’informations et ils n’ont pas toujours la capacité développementale, qu’elle soit cognitive ou émotive, pour bien la gérer.»
Les parents peuvent jouer un rôle positif à l'égard de l’écoanxiété de leur enfant. «Ils peuvent notamment aider le jeune à mieux gérer son inquiétude, poursuit-elle. Dans un premier temps, les jeunes observent beaucoup leurs parents, ce qu’ils pensent et comment ils réagissent à une situation. Donc, ces derniers jouent un rôle de modèle.»
Des études montrent que les inquiétudes peuvent être transmises de façon intergénérationnelle. Par exemple, lorsque l’enfant entend son parent en parler.
«Les parents, dit-elle, peuvent aussi contribuer à maintenir ou aggraver les comportements d’évitement des jeunes, par exemple en disant: "Ne pense pas à ça, va te changer les idées". À court terme, le fait d’éviter de s’inquiéter est très efficace pour faire diminuer l’anxiété. Toutefois, à plus long terme, l’évitement ne permet pas au jeune de faire face à ce qui l’inquiète en trouvant des stratégies efficaces pour mieux gérer ses inquiétudes.»
Comment intervenir?
Pour aider les jeunes qui souffrent d’écoanxiété, plusieurs façons d’intervenir sont possibles. On peut leur donner des occasions de prendre un peu le contrôle, notamment en les encourageant à faire des actions environnementales simples, que ce soit du recyclage ou bien se rendre à l’école, au cégep ou à l’université par un autre moyen que la voiture. Ils peuvent aussi militer dans les groupes écologistes, réduire leur consommation d’eau et d’électricité ou jardiner.
«Tous les moyens sont bons, soutient Isabelle Denis, pourvu qu’ils restent cohérents avec les valeurs de la personne et qu’ils lui permettent tout de même de mener une vie relativement normale, en ce sens qu’une personne peut faire des gestes concrets, mais elle doit être consciente que le sort du monde ne repose pas sur ses épaules.»
Les psychologues suggèrent aux jeunes écoanxieux d’éviter le plus possible la désinformation et se tourner plutôt vers des informations véridiques. «Comme cette désinformation utilise en bonne partie le canal des médias sociaux, indique-t-elle, pour un peu mieux gérer son écoanxiété le jeune peut faire des pauses des médias sociaux ou des écrans, même tous les jours, pour éviter d’être toujours exposé à la cause de son anxiété.»
La contribution de la psychologie
La recherche sur l’écoanxiété vise à mieux comprendre les symptômes qui se manifestent et les conséquences pour les jeunes qui en souffrent. Les chercheurs s’intéressent aussi à mieux comprendre les facteurs de risque qui font que certaines personnes vont développer de l’écoanxiété, laquelle va se maintenir ou même s’aggraver dans le temps. «Ensuite, poursuit la professeure, nous cherchons à comprendre les facteurs de protection. Ces facteurs peuvent être, par exemple, l’optimisme, l’espoir ou de meilleures capacités de résolution de problèmes.»
Dans sa pratique, Isabelle Denis observe que les jeunes qui sont plus anxieux ou ceux qui sont plus sensibles vivent plus souvent de l’écoanxiété à différents degrés. «J’observe également, ajoute-t-elle, que les jeunes sont tous bien sensibilisés. Ils ont aussi souvent le désir de contribuer à rendre la planète meilleure, mais souvent ils se sentent plutôt impuissants et réalisent que leurs gestes sont à une moindre échelle que ce qui devrait être fait par les décideurs.»