Environ 10% de la population est considérée comme allergique à la pénicilline. En réalité, la prévalence de cette allergie serait 100 fois moins élevée, ce qui signifie que les médecins s'empêchent inutilement de prescrire cet antibiotique à une bonne partie de leurs patients. Dans une étude publiée par le Journal of Allergy and Clinical Immunology, une équipe du CHU de Québec – Université Laval et de la Faculté de médecine de l'Université Laval présente une façon fiable, sécuritaire et moins coûteuse pour identifier les patients véritablement allergiques à cet antibiotique.
La surestimation actuelle des cas d'allergies à la pénicilline serait attribuable à trois facteurs, explique le responsable de l'étude, Jean-Philippe Drolet, pédiatre allergologue-immunologue au CHU de Québec – Université Laval, chercheur associé au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval et chargé d'enseignement clinique à la Faculté de médecine de l'Université Laval.
«Il arrive que l'information soit dans le dossier médical depuis l'enfance parce que la personne a eu une réaction cutanée alors qu'elle était traitée à la pénicilline. Cette réaction est spontanément associée à l'antibiotique, alors qu'elle est souvent causée par l'infection elle-même. Par ailleurs, les allergies véritables à la pénicilline disparaissent très souvent d'elles-mêmes, à l'insu des gens, dans les années qui suivent l'événement initial. Enfin, le diagnostic est parfois porté à la suite d'effets secondaires qui ne sont pas causés par une allergie», résume-t-il.
Habituellement, le diagnostic d'une allergie à la pénicilline se fait en deux étapes, rappelle le médecin allergologue. «Par mesure de sécurité, le patient est d'abord soumis à un test cutané qui consiste à déposer une goutte de chacun des métabolites de la pénicilline sur sa peau et à pratiquer une piqûre à travers la goutte à l'aide d'une aiguille fine. Si ces tests sont négatifs, nous procédons à l'injection intradermique de mêmes substances. S'il y a une réaction cutanée, on estime que le patient est allergique.»
S'il n'y a pas de réaction, le patient est alors soumis à un test de provocation qui consiste à prendre 10% d'une dose normale de pénicilline par voie orale. Si des symptômes apparaissent, le patient est considéré comme allergique. En absence de réaction, on répète l'exercice avec la partie restante de la dose. Selon les réponses du patient, on conclut qu'il est allergique ou non à la pénicilline. «Le test de provocation orale est l'étalon d'or pour déterminer si l'antibiotique est bien toléré», précise-t-il.
Comme les véritables allergies à la pénicilline sont rares et que les tests cutanés produisent un taux relativement élevé de faux positifs, les chercheurs ont voulu savoir s'il était sécuritaire de laisser tomber le test cutané et de procéder directement au test de provocation orale chez des patients adultes présentant peu de facteurs de risques. Pour ce faire, ils ont recruté 1002 adultes qui étaient étiquetés «allergiques à la pénicilline» et ils les ont tous soumis à un test cutané et à un test de provocation orale.
Les résultats? «Au total, 3% des sujets, soit 28 personnes, ont réagi au test cutané. Une seule d'entre elles a eu une réaction lors du test de provocation orale. La valeur prédictive des tests cutanés pour dépister la présence d'une allergie à la pénicilline est de 3,6%. C'est très faible», souligne le professeur Drolet. Fait à noter, aucun patient n'a eu de réaction sévère au test de provocation orale et 1% (10 personnes) ont eu une réaction légère.
Le test cutané a une faible valeur prédictive positive, il exige du temps et son coût est de 200$, sans compter le salaire des professionnels de la santé qui l'administrent. En plus, il identifie erronément comme allergiques à la pénicilline des personnes qui ne le sont pas. La conséquence est que leur médecin ne peut leur prescrire cet antibiotique, même s'il a une efficacité élevée contre des infections respiratoires et sanguines très courantes.
«Pour les patients qui présentent de faibles risques d'allergie – soit la très grande majorité –, procéder directement au test de provocation orale nous semble donc une utilisation plus judicieuse et plus efficace des ressources, estime Jean-Philippe Drolet. C'est l'approche que nous avons adoptée pour les milliers de tests d'allergie à la pénicilline que nous faisons chaque année au CHU de Québec – Université Laval.»
Le premier auteur de l'étude parue dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology est le résident en médecine de l'Université Laval, Frédéric Brillant-Marquis. Pour connaître les autres signataires, consultez le résumé de l'étude.