«Au sein de ce laboratoire, nous croyons à l'égalité des sexes et des genres.» Cette mention, parmi d'autres, est affichée à l'entrée du Laboratoire d'ingénierie de la réadaptation de l'Université Laval, au pavillon Adrien-Pouliot. Sur les 13 membres de l'équipe du professeur Alexandre Campeau-Lecours, 6 sont des femmes, soit 46%. Un chiffre qui a son importance au Département de génie mécanique, dont l'effectif féminin est de 15% au baccalauréat cette session-ci.
«La diversité en général, c'est super important. Quand on est toutes ou tous pareils, on pense pareil, on fait et on répète les mêmes choses et on reste dans les mêmes chemins. Pour faire une analogie avec le hockey, ce serait comme avoir six personnes à l'attaque, sans personne à la défense ou dans les buts. La diversité amène plusieurs points de vue, elle nous sort de nos moules et nous amène plus loin», plaide le professeur Campeau-Lecours, à l'approche de la Journée internationale des femmes et des filles de science, le 11 février.
S'il croit à l'importance d'attirer des femmes en génie mécanique, il se bute toutefois à un problème de perception. «Le génie mécanique est souvent associé à la mécanique automobile, mais c'est vraiment plus large», dit-il en précisant ne même pas savoir faire son changement d'huile. Les domaines de la santé attirent statistiquement plus les étudiantes, poursuit le professeur. Son laboratoire s'en rapproche et se spécialise en réadaptation, robotique, prothèses, orthèses et exosquelettes.
La robotique au service de la santé humaine, c'est justement ce que recherchait Jade Clouâtre. Elle qui aimait les mathématiques et la physique s'était inscrite au baccalauréat en génie mécanique, mais c'est en entendant le professeur Campeau-Lecours parler de sa spécialité qu'elle a trouvé sa voie, raconte la jeune femme.
Aujourd'hui étudiante au doctorat en génie mécanique, elle fait partie de l'équipe du Laboratoire d'ingénierie de la réadaptation et répand sa passion. «Avec une collègue, on a présenté des technologies sur lesquelles on travaille à des jeunes filles du secondaire», dit celle qui fait aussi partie du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale et du Laboratoire de robotique de l'Université Laval.
Alexandre Campeau-Lecours constate qu'après le cégep, des étudiantes poursuivent leur parcours en physiothérapie, en kinésiologie, mais que certaines se cherchent. «Ce n'est pas rare qu'elles se retrouvent ensuite chez nous, parce qu'elles ont la fibre de génie, mais ne connaissaient pas le domaine.»
Donner l'exemple
Dans ses cours, le professeur n'hésite pas à donner des exemples en parlant d'«une» gestionnaire de projets. Un Noël, son équipe lui a offert un livre d'écriture épicène, qu'il utilise et met en pratique dans ses plans de travail et documents. De petits gestes qui changent beaucoup de choses, estime-t-il.
«Je suis beaucoup sur les forums des sites de cours pour répondre aux étudiantes et aux étudiants, renchérit Jade Clouâtre, qui est aussi auxiliaire d'enseignement. Même chose dans les vidéos présentées en classe ou quand on se présente aux surveillances d'examens, on est visibles», dit-elle.
En se basant sur les stratégies relevées par la Chaire pour les femmes en sciences et en génie de l'Université de Sherbrooke, Alexandre Campeau-Lecours souligne que l'approche pour recruter des femmes est différente, qu'il faut davantage aller vers elles et leur proposer des projets. Contrairement aux hommes, certaines peuvent se sentir moins en confiance pour poser leur candidature à des postes, glisse-t-il.
Jade Clouâtre confirme: «Mon premier stage, je ne l'ai pas cherché, un autre professeur m'a approchée en me demandant si j'étais intéressée. J'étais surprise, parce que je débutais tout juste ma deuxième année de baccalauréat.» Puis, le même scénario s'est reproduit avec le professeur Campeau-Lecours. «Une fois qu'on rentre dans l'équipe, on est bien et on ne veut plus en ressortir», lance la future maman, qui a poursuivi ses études aux cycles supérieurs.
«Quand je suis rentrée au doctorat, c'était clair que je voulais fonder une famille dans les années à venir», indique la doctorante qui s'est sentie à l'aise d'en parler. Alexandre Campeau-Lecours l'a d'ailleurs aidée à s'informer pour connaître le sort de ses bourses du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et du Fonds de recherche du Québec - Nature et technologies. Bonne nouvelle, les étudiantes peuvent maintenant avoir jusqu'à une année payée, selon les bourses, durant leur congé de maternité.
D'ailleurs, une autre membre du Laboratoire est enceinte, tandis qu'une autre est en congé de maternité, souligne le professeur Campeau-Lecours, lui-même nouvellement papa d'un troisième enfant.
Au-delà des efforts du corps professoral et des départements pour attirer les femmes en science, un mouvement est en marche. Génie uELLES, un comité d'étudiantes de l'Université Laval créé en 2021, a pour but de promouvoir le génie au féminin, notamment sur les réseaux sociaux (Instagram, Facebook et LinkedIn). On y annonce conférences, tables de discussion et réseautage pour encourager la cause. L'objectif est «que les filles voient la possibilité d'un futur qui les intéresse en science et que ce soit juste normal qu'elles s'y inscrivent», a déjà dit à ULaval nouvelles la cofondatrice, Marie-Pier Trépanier.
Par ailleurs, des programmes de science ont un taux d'étudiantes élevé à l'Université Laval, comme celui de biologie qui compte 60% de femmes aux trois cycles d'études, et celui de chimie, où 52% de la communauté étudiante est féminine.