Le sujet est on ne peut plus d'actualité, on en parle sur toutes les tribunes, certes, mais quelles sont concrètement les répercussions du réchauffement climatique sur les Inuits du Nunavut, ce peuple qui vit en harmonie avec la nature? Cette question est au cœur de Nittaituq, un court métrage de 16 minutes qui entame une tournée des festivals à travers le monde.
Ce film est le fruit d'une collaboration entre Mathilde Poirier, chercheuse postdoctorale en biologie à l'Université Laval, Flore Sergeant, titulaire d'un doctorat en hydrogéologie, et la cinéaste Camille Poirier. Ensemble, elles sont allées à la rencontre des habitants de Mittimatalik, un village au nord de l'île de Baffin.
«Le projet est né d'un désir de documenter la vision inuite du réchauffement climatique, explique Flore Sergeant. À l'époque, je faisais ma thèse au Département de géologie et de génie géologique tout en étant membre de Sentinelle Nord. À la recherche d'un village où faire le tournage, j'ai contacté ce programme, qui m'a mis en contact avec Mathilde Poirier, une doctorante qui allait sur place fréquemment pour les besoins de ses travaux.»
Le tournage, retardé à cause de la pandémie, s'est étalé sur sept jours. «C'était un défi logistique important, reconnaît Mathilde Poirier. Le séjour était planifié à l'avance, mais une fois sur place, plusieurs personnes que nous devions rencontrer étaient absentes, puisque c'était la saison de la chasse. Heureusement, la communauté de Mittimatalik est accueillante et accessible. Nous avons pu aller à la rencontre des gens et trouver des alternatives.»
Ce Nord fragile et majestueux
Avec ses images à couper le souffle, le court métrage Nittaituq met en lumière les changements que les Inuits ont constaté ces dernières années dans leur milieu de vie. Détérioration des glaciers, effondrements de terres en raison du dégel du pergélisol, disparition des caribous: les effets sont bien visibles et ont des répercussions sur leurs activités traditionnelles.
L'une des intervenantes dans le film le dit bien: «Ces changements sont drastiques et nous ne savons pas ce qui s'en vient. Cela aura un impact sur nos déplacements, sur nos connaissances des endroits où se trouvent les animaux. Il y aura plus de quotas. Nous perdrons non seulement des animaux, mais aussi des traditions.»
Un autre Inuit interviewé s'inquiète de la fonte des glaces et de l'ouverture de nouvelles routes navigables qui pourraient contribuer à l'augmentation de la circulation maritime et donc bouleverser la biodiversité.
Les habitants de Mittimatalik, on le constate, ne se contentent pas de rester les bras croisés face aux changements climatiques. Ils prennent les choses en main, notamment en ayant recours à un système de capteurs pour mesurer l'évolution des glaces.
La cinéaste Camille Poirier, pour qui c'était un premier séjour au Nunavut, admet avoir été frappée par leur résilience. «Je suis arrivée là-bas avec une idée très pessimiste des changements climatiques. Les bouleversements font partie de la vie des Inuits. Ils s'adaptent et trouvent des solutions. Avec la colonisation, le froid aride et les conditions extrêmes, il faut dire que ce n'est pas le premier défi auquel cette communauté se heurte.»
À travers les entrevues, le trio a aussi constaté que l'enjeu du climat s'inscrit dans un problème plus grand. «Ce n'est pas uniquement la question climatique qui les inquiète, mais aussi l'industrialisation, la disparition de leur savoir, etc. Malgré tout, leur propos est beaucoup plus positif que ce à quoi je m'attendais. Il donne de l'espoir sur la façon dont ils voient l'avenir», résume Flore Sergeant.
Une première mondiale en Louisiane
Le film a été présenté le 27 janvier à l'occasion du Cinema On The Bayou Film Festival, à Lafayette, en Louisiane. Pour les cinéastes, ce fut l'occasion de faire découvrir la réalité nordique à un public dans une région connue pour son climat chaud et humide, bref aux antipodes de celui du Nunavut.
«Même si elle fait partie de l'Amérique du Nord, l'Arctique est perçue comme une région exotique et inaccessible. Lorsqu'il est question du Nord, plusieurs s'imaginent de grands espaces blancs, des banquises, des ours polaires. Ils ignorent que des communautés sont installées là-bas et rendent ce territoire très vivant», constate Mathilde Poirier.
Au tour des scientifiques de voir le film
Après le public louisianais, c'est maintenant au tour de la communauté universitaire de voir le film. Le 14 février, une projection aura lieu à l'atrium du pavillon Charles-De Koninck dans le cadre de la Nuit polaire, un événement de conférences et de réseautage.
Plusieurs acteurs de la recherche nordique seront présents, dont Sentinelle Nord, le Centre d'études nordiques, Takuvik, l'Institut nordique du Québec et Amundsen Science.
Pour Mathilde Poirier, il est important que ses collègues aient l'occasion de voir le film avant qu'il reprenne la route vers d'autres festivals. «Parmi les principaux partenaires du film, les instituts scientifiques nous ont beaucoup encouragées dans ce projet. En tant que chercheurs qui travaillons dans le Nord, on s'intéresse à une foule d'enjeux du réchauffement climatique. Il est important de rattacher cette science à une dimension humaine qui vient donner un sens à ce que l'on fait», dit-elle.
Pour suivre le parcours du film dans les festivals et autres événements, on peut suivre la page Facebook créée pour l'occasion. Après la Nuit polaire, le film sera présenté au Nunavut International Film Festival, du 22 au 25 février.