Pour des raisons de sécurité, on ne peut dévoiler son identité. Mais il provient d'un pays en guerre où la liberté universitaire est compromise. Il s'agit du premier chercheur accueilli à l'Université Laval depuis son adhésion au programme Scholars at Risk (SAR) en 2021.
Ce réseau international, présent dans 43 pays, vient en aide aux universitaires qui font face à des menaces, des persécutions ou des violations de leurs droits en raison de leur travail. En plus de favoriser leur placement temporaire au sein d'établissement d'enseignement supérieur, il documente les injustices à travers le monde et soutient des initiatives visant à protéger la liberté universitaire.
Avocat et codirecteur de la Clinique de droit international pénal et humanitaire de la Faculté de droit, Erick Sullivan pilote la section de l'Université Laval. Avec un groupe d'étudiants, il collabore avec des juristes et des organisations non gouvernementales pour aider les personnes à mettre en œuvre les mécanismes et recours auxquels elles ont droit.
«Bien que l'Université Laval ait accueilli son premier SAR officiellement, dans les faits, on trouve sur le campus plusieurs chercheurs qui ne peuvent retourner dans leur pays d'origine à cause des recherches qu'ils mènent. Nous avons des réfugiés parmi les doctorants entre autres. Même s'ils n'ont pas été libellés SAR, ces gens sont confrontés à des risques», précise Erick Sullivan.
Son constat sur la situation des universitaires dans le monde est sans équivoque: «La liberté académique, d'une façon générale, se rétrécit. On voit de plus en plus d'interventions politiques ou sécuritaires dans les travaux des universitaires, ce qui nuit à la création de connaissances qui peuvent servir l'humanité.»
Pour l'année 2023, Scholars at Risk a recensé 249 cas de violence, d'emprisonnement, de persécution, d'expulsion, de restriction de sortir d'un pays et autres abus. L'organisation a notamment contribué à la libération du chercheur égyptien Patrick Zaki, condamné pour avoir publié un article sur les violations des droits des coptes, la plus importante minorité chrétienne du Moyen-Orient. D'autres projets de soutien ont été menés au Yémen, au Myanmar, en Éthiopie, au Cameroun, en Afghanistan et en Ukraine, pour ne nommer que ces pays.
«La recherche, c'est un travail de contact, d'échanges, de mobilisation et de communication des idées. Quand des universitaires sont brimés dans leurs droits, c'est l'ensemble de la communauté universitaire mondiale qui est touché», rappelle Virginie Lefebvre, professionnelle de recherche à la Clinique de droit international pénal et humanitaire.
«Les problèmes d'aujourd'hui ne se règlent pas en vase clos, mais par la collaboration et la multiplicité des visions, ajoute Erick Sullivan. Tous ces chercheurs, ce sont nos pairs avec qui nous pouvons potentiellement collaborer. Leurs idées et leurs solutions sur le terrain sont pertinentes pour les recherches qui se font ici et vice-versa. Il est important qu'eux aussi, dans leur pays, aient la chance de contribuer librement à faire évoluer leur société.»
Pour Virginie Lefebvre, l'Université Laval est bien placée pour jouer un rôle clé dans la francophonie et ailleurs dans le monde. «Beaucoup d'universités sont prêtes à accueillir des universitaires en danger, mais la barrière de la langue peut facilement apparaître. Des professeurs se retrouvent dans l'impossibilité d'avoir un poste parce qu'ils ne maîtrisent pas la langue du pays d'accueil. Plus d'universités de différents pays participent, plus différentes langues sont représentées, ce qui élargit les possibilités [d'accueil et de soutien].»
Dans la prochaine année, l'équipe entend consolider son engagement au réseau SAR. «On peut en faire encore plus, soutient Erick Sullivan. Il y a plein de gens sur le campus qui organisent des activités, comme des conférences sur la liberté académique. Il faut faire basculer ces initiatives vers le programme SAR et se doter d'une structure qui permet de réaliser notre mission.»
Dès février, un atelier d'échanges sera organisé pour réfléchir aux façons de mieux inclure les acteurs qui travaillent sur la question de la liberté universitaire. Cette rencontre s'inscrit dans le sillage d'un rapport produit par une stagiaire de la Clinique de droit international pénal et humanitaire qui s'est intéressée aux systèmes de gouvernance et de financement des différents chapitres au Canada.
Pour s'impliquer ou obtenir plus d'information, on peut contacter l'équipe de SAR-UL.