
La collection Alinéa des éditions Druide, dirigée par le professeur en création littéraire Alain Beaulieu, lance coup sur coup deux nouveaux romans qui valent la découverte: Solène en trois actes (nous y reviendrons dans un autre article) et Chapitre 15.
Avec sa jolie plume, Sylvie Nicolas a campé le récit de Chapitre 15 dans une librairie d'occasion du quartier Saint-Sauveur. Dans ce commerce gravitent trois personnages au grand cœur: John, le propriétaire se spécialisant dans les livres rares, Élène, une employée qui a quitté son milieu pour s'établir à Québec, et Jérôme, l'homme à tout faire.
La tranquillité de la librairie se verra chamboulée par le décès d'Adeline, une cliente habituée. À travers des lettres écrites avant sa mort (15 en tout, d'où le titre du roman), le trio découvrira l'histoire pour le moins surprenante de cette dame avant de se lancer dans la restauration et l'inauguration d'un meuble en son honneur, le «banc des oublis».
De l'aveu de Sylvie Nicolas, l'écriture du récit n'avait rien de planifié. «Sans vouloir paraître ésotérique, ce roman m'habitait depuis longtemps, mais j'y résistais. Je me considère avant tout comme une poète et non comme une romancière. Habituellement, je pratique ma démarche d'écriture par fragments. Là, je sentais que ce projet allait me sortir de ma zone de confort. Ayant du temps libre entre deux projets, j'ai commencé à écrire les quatre ou cinq premières pages, puis ça ne s'est pas arrêté, comme si j'étais spectatrice de mes personnages.»
N'eût été le directeur littéraire Alain Beaulieu, son ancien professeur et directeur de thèse, le roman n'aurait sans doute pas vu le jour. «J'ai vécu un tel bonheur à écrire cette histoire que je n'avais pas pensé à une stratégie de distribution de mon manuscrit. J'aurais pu vivre avec la seule joie d'avoir connu ces personnages dans l'intimité. Alain, en qui j'ai confiance en son jugement, m'a convaincue de lui envoyer mon texte. À ce jour, même si je suis contente que le roman soit publié, cette immense joie n'a pas été dépassée.»
Dès sa première lecture, Alain Beaulieu a été charmé par l'univers de Chapitre 15. «Nous entrons dans ce récit avec le même sentiment de calme et d'apaisement que ressentent les personnages lorsqu'ils passent le pas de la porte de la librairie. Cela est dû à l'écriture toute en nuances et en petites touches quasi impressionnistes de Sylvie Nicolas. Le roman devient un refuge où le lecteur se love, comme assis bien au chaud sur le “banc des oublis” d'Adeline», souligne le directeur littéraire.
Une fascination pour la Basse-Ville
Ceux qui liront Chapitre 15 et qui connaissent le quartier Saint-Sauveur se plairont à reconnaitre le décor de la Basse-Ville avec ses rues animées et ses maisons collées. D'ailleurs, le Déjà-lus, cette fameuse librairie où se déroule l'histoire, est inspiré de l'ancien commerce de Mademoiselle Verret, qui a eu pignon sur la rue Saint-Vallier pendant plusieurs années.
Ce commerce, où l'on vendait autant des aquariums que des vêtements pour enfants, Sylvie Nicolas le connaît bien pour avoir observé tant de fois sa vitrine lors de ses promenades dans le secteur. «Saint-Sauveur est un endroit où j'ai longtemps cherché une maison ou un appartement où habiter. C'est un quartier que j'adore. Quant au commerce de Mademoiselle Verret, je trouve sa façade mystérieuse. Ce bâtiment semble avoir une âme. Pour moi, c'était le décor idéal pour le Déjà-lus.»
Dans ses œuvres, Sylvie Nicolas fait une large place aux quartiers jadis ouvriers de la Basse-Ville. Saint-Sauveur, mais aussi Saint-Roch, où elle demeure, et Limoilou, qui lui a inspiré notamment un récit pour la Promenade des écrivains. «Plusieurs de mes poèmes sont directement issus de ce que j'ai vu, croisé ou observé dans ces quartiers que j'affectionne. Je trouve qu'il s'agit de milieux accueillants, sans façade ni prétention. On y trouve une humilité. Je suis fascinée par les gens qui marchent dans leurs rues», dit-elle.

— Sarah Élène Forcier
Un parcours littéraire riche
Si elle ne se considère pas comme une romancière, Sylvie Nicolas est à tout le moins une autrice prolifique et une touche-à-tout. On lui doit une trentaine de titres, incluant Les variations Burroughs et Le cri de La Sourde, deux romans qui lui ont valu mentions et critiques élogieuses, ainsi que plusieurs recueils de poésie et œuvres jeunesse.
Première lauréate du prix Jean-Noël Pontbriand créé par l'Université Laval et le Printemps des poètes, finaliste deux fois au Prix du Gouverneur général, elle a fait un doctorat en études littéraires avant de se tourner vers l'enseignement. Elle travaille aussi comme traductrice et directrice littéraire aux éditions Hannenorak, spécialisées dans les œuvres autochtones.
Son amour profond pour la littérature lui vient de son enfance et surtout de sa mère, une femme de peu de mots. «Ma mère était une grande lectrice. Cette image d'elle qui lisait énormément a marqué mon enfance. Pour moi, l'amour d'une mère se trouvait entre les lignes d'un livre. Le silence maternel — c'est d'ailleurs sur ce sujet que j'ai fait ma thèse de doctorat — n'a pas été forcément négatif dans mon cas. Ma tendance à beaucoup écrire vient d'un besoin de trouver dans les mots ce qui n'a pas été dit.»
Le lancement de Chapitre 15 aura lieu le 28 octobre, à 17h, à la Maison de la littérature, en même temps que celui de Solène en trois actes, d'Alain Beaulieu, et d'un autre ouvrage paru chez Druide, le recueil de nouvelles Ma maison, et ce qu'il y a dedans, de Martine Latulippe. Un entretien croisé avec les trois auteurs sera animé par l'éditrice Anne-Marie Villeneuve.