Être dans les patates. Tourner sur un dix cennes. Pleurer comme une champlure. Mettre le doigt sur le bobo. Le français d'ici regorge d'expressions colorées et le Service des résidences a trouvé une façon originale de les mettre en valeur.
Fruits d'une collaboration avec le groupe de recherche du Trésor de la langue française au Québec (TLFQ) et Services campus, 24 grandes affiches autocollantes ont été installées dans les salles d'études et la buanderie du pavillon Alphonse-Marie-Parent. Chacune présente une bande dessinée qui met à l'honneur une expression québécoise. Outre une brève explication au bas de l'affiche, un code QR permet d'avoir accès à du contenu supplémentaire du Dictionnaire historique du français québécois, sur lequel reposent les BD.
À l'origine de ce projet, un article paru sur ULaval nouvelles qui portait sur le TLFQ. «C'est en lisant cet article et en découvrant le travail du Trésor de la langue française que l'idée de cette collaboration est venue, explique Mathieu Gagnon, directeur du Service des résidences. Environ 90% de nos résidents sont francophones, mais pour plusieurs, ce n'est pas le français québécois. Des expressions comme “Avoir les yeux dans la graisse de bines” ou “Faire de l'argent comme de l'eau”, c'est difficile pour eux de les comprendre. Avec 80 nationalités représentés, les résidences se prêtaient bien à ce projet.»
Le directeur du TLFQ, Robert Vézina, se réjouit d'avoir été approché par le Service des résidences. «Les BD sont tirées du projet La langue par la bande, que nous avons lancé en novembre dernier et qui fera l'objet d'un album aux Publications du Québec. Pour nous, c'est une retombée inespérée de ce projet qui nous fait sortir de la Faculté des lettres et des sciences humaines, auquel le Trésor de la langue française est rattaché.»
Trouver d'où vient la chienne à Jacques
Avec son équipe, Robert Vézina travaille fort à dénicher les origines de nos expressions. «Parfois, on peut remonter plusieurs siècles pour trouver d'où vient une expression. Il nous arrive de frapper un mur et de ne pas pouvoir mettre le doigt sur l'origine exacte. C'est le cas de “s'habiller comme la chienne à Jacques”, dont l'origine s'est perdue au fil du temps. Il existe des hypothèses, mais il nous manque encore des éléments d'explication.»
Le chercheur admet avoir un faible pour l'expression «se pogner le beigne», sa favorite. «Cette expression, qui signifie “ne rien faire, paresser, ne pas agir quand c'est le temps”, je ne me tanne pas de l'entendre. Ici, “beigne” a le sens figuré de “derrière”. De comparer notre postérieur à un beigne, je trouve ça hilarant.»
En plus des BD sur les expressions québécoises, trois affiches, installées sur les murs de la cafétéria du pavillon Alphonse-Marie-Parent, présentent des récits littéraires de Jean Désy, Michel Pleau et Louis Hamelin avec de superbes illustrations. Encore une fois, ces œuvres sont tirées d'un projet du TLFQ, Les fins mots de l'histoire, qui permet de découvrir certains québécismes.
Lorsque nous l'avons croisée devant une affiche, Lisa Bonneviale, venue de France il y a un an pour effectuer une maîtrise en administration des affaires, était fort surprise d'apprendre que l'expression «être dans les patates» signifie «être dans l'erreur, se tromper, divaguer».
«Je ne l'aurais jamais su, admet-elle. “Être dans les patates”, pour moi, ça aurait pu vouloir dire “tomber dans les pommes, avoir un malaise”.»
«Cette initiative des BD est super, ajoute l'étudiante. En tant que Française, je ne connais pas forcément les expressions d'ici. En plus de nous immerger dans la culture québécoise, les affiches donnent un peu de gaité aux salles d'études.»
Devant le succès de l'initiative, Mathieu Gagnon souhaite élargir le projet aux autres pavillons des résidences. «Nous avons plusieurs locaux dans lesquels il est possible d'ajouter de la décoration. Il pourrait y avoir des œuvres issues d'autres centres de recherche ou encore du programme d'arts visuels. Nous sommes ouverts à toutes les propositions», conclut le directeur du Service des résidences.