Pour mieux s'adapter à leur environnement et survivre, plusieurs espèces ont développé au fil des millénaires des formes, des fonctions ou des stratégies particulières. En observant ces solutions mises en place par les règnes végétal et animal, les ingénieurs, les architectes et les designers peuvent trouver des pistes de solution astucieuses et innovantes à nos propres défis scientifiques, technologiques et environnementaux. Ce processus créatif qui s'inspire du génie de la nature s'appelle le biomimétisme.
Le mercredi 23 août, au Musée de la civilisation, se tiendra la table ronde «Biomimétisme: l'art d'imiter la nature», qui réunira 3 experts, dont le doctorant Sérgio da Silva, de l'École de design. Organisée en marge de l'exposition Nature inspirante, techno inspirée, cette activité grand public vise à mieux faire connaître l'usage qu'on peut faire des solutions ingénieuses développées par Mère Nature.
«Le biomimétisme est à la base de plusieurs produits. Par exemple, même si elle n'a pas été commercialisée, l'automobile Bionic, développée par Mercedes-Benz du groupe DaimlerChrysler en 2005, figure parmi les exemples les plus célèbres de ces produits», indique Sérgio da Silva. Inspiré du poisson coffre vivant dans les récifs coralliens des océans Indien et Pacifique, le prototype de cette voiture présentait plusieurs avantages, dont un aérodynamisme amélioré, une diminution du poids de la voiture sans perte de stabilité mécanique et une réduction marquée des émissions polluantes et de la consommation d'essence.
«Parmi les solutions commercialisées très connues, ajoute-t-il, il y a le train Shinkansen, développé par la West Japan Railway Company, qui possède un nez inspiré du bec du martin-pêcheur. Sa forme particulière permet la diminution à la fois des frottements aérodynamiques et du bruit lors du passage dans les tunnels.» Cette forme permet également une réduction de 15% de la consommation énergétique.
L’Eastgate Building, au Zimbabwe, est un autre exemple de biomimétisme. Conçu par l’architecte Mick Pearce à l’image d’une termitière, le bâtiment régule sa température intérieure grâce à un système de cheminées.
«S'il est relativement facile de trouver des exemples de biomimétisme en ingénierie et en architecture, admet Sérgio da Silva, la tâche est plus ardue lorsqu'on regarde du côté du design de produits, où les exemples se font rares.» Selon le doctorant, la solution la plus intéressante dans ce domaine serait le support à bouteilles de vin WineHive, créé par John Paulick. Inspiré de la structure d'un nid d'abeilles, ce support est fait entièrement avec de l'aluminium recyclé.
«Pourtant, les designers auraient tout intérêt à s'intéresser davantage au biomimétisme, qui me semble une piste très pertinente pour répondre pleinement aux enjeux de développement durable», plaide-t-il.
Au-delà de l'inspiration formelle
Les designers participeraient ainsi à une démarche de développement durable? Oui, car selon Sérgio da Silva, le biomimétisme est une approche globale qui vise avant tout la production responsable. «Ma définition du biomimétisme va au-delà du simple fait d'avoir la nature pour référence. C'est une démarche holistique d'écoconception. On rapproche l'homme de la nature, à tous les niveaux. Les produits doivent donc avoir comme but final une durabilité», explique le doctorant.
Cette définition du biomimétisme est le fruit de ses recherches de maîtrise. Dans son mémoire intitulé Le biomimétisme au-delà de l'inspiration formelle: recommandations aux designers de produits pour une intégration du biomimétisme dans le processus de développement de produits, sous la direction de la professeure Claudia Déméné, Sérgio da Silva a cherché à montrer que le véritable biomimétisme s'inscrit dans une philosophie de développement durable.
Cette façon de voir le biomimétisme est d'ailleurs ce qui explique la grande valeur que Sérgio da Silva accorde au support WineHive. «L'imitation du nid d'abeilles donne, bien sûr, un avantage esthétique au produit. Mais ce qui le distingue vraiment, c'est que ce produit s'inscrit dans une démarche d'écoconception».
Fait à partir d'un matériau recyclé, ce support à bouteilles de vin est facile à monter et à démonter. De plus, il s'adapte aisément aux besoins et aux espaces différents, il permet le remplacement des pièces au besoin et il pourra à son tour être recyclé.
«On voit ici une stratégie qui favorise l'optimisation de procédés dans la fabrication, tout en réduisant les répercussions environnementales tout au long du cycle de vie du produit», commente le candidat au doctorat, avant de mettre un bémol. «Toutefois, ce produit ne s'inscrit pas totalement dans une optique de développement durable, car les sphères sociale et économique ne semblent pas avoir été prises en compte. Seule a été considérée la sphère environnementale. Or, selon moi, le biomimétisme est une approche globale et systémique aux enjeux de développement durable, qui doit tenir compte des aspects environnementaux, sociaux et éthiques dans la conception, la fabrication et la mise en marché des produits.»
Un design en harmonie avec la biosphère et l'éthique
Cofondateur de l'entreprise Borboto, Sérgio da Silva s'inspire bien sûr du biomimétisme dans ses projets de design. La chaise Organika, qu'il a conçue pour être la plus légère possible, tout en bénéficiant d'une forte solidité, est inspirée de la structure des os. Outre une résistance maximale réalisée avec une quantité minimale de matériau, le produit est conçu pour être en totale harmonie avec l'environnement. «J'ai essayé de penser à tout pour créer un meuble élégant et utile, qui respecte des conditions éthiques et qui a la plus petite empreinte environnementale possible. Par exemple, j'ai simplifié grandement l'emballage et le transport», souligne l'entrepreneur responsable.
Présentement étudiant au doctorat, Sérgio da Silva poursuit plus avant sa réflexion, cette fois en s'intéressant davantage aux innovations pédagogiques qui peuvent soutenir le développement d'un design éthique et écoresponsable. Sous la direction de Claudia Déméné, professeure à l'École de design, et la codirection de Matthias Pepin, professeur à la Faculté des sciences de l'administration, ses travaux actuels se concentrent sur le développement d'une approche pédagogique innovante en design local au service des PME de la région de Québec. «Éventuellement, j'espère pouvoir contribuer à améliorer la formation des designers, qui sont des acteurs incontournables de l'opérationnalisation du développement durable. Ceux-ci ont la responsabilité éthique de concevoir des produits durables, et leur formation doit mieux les préparer à assumer cette responsabilité», conclut Sérgio da Silva.
Réserver un billet pour la table ronde «Biomimétisme: l'art d'imiter la nature», qui aura lieu le mercredi 23 août à 19h30 à l'auditorium Roland-Arpin du Musée de la civilisation.