Présenté du 24 au 26 août, le Casse-Gueule, un festival émergent d'arts vivants, permettra à 15 projets artistiques marginaux, littéralement «casse-gueule», de voir le jour. Performance, théâtre, danse, burlesque et musique se marieront ou se succéderont dans des parcours déambulatoires tout à fait uniques et originaux.
«Nous avons eu envie de créer un espace où l'échec était une option. Là est le principal risque: se casser la gueule, vu la nature naissante ou énergumène du projet. Sans renier le fait que la préparation et le peaufinage puissent être porteurs d'une grande créativité, nous voulons défendre une démarche spontanée, une créativité qui émerge grâce à l'élan du moment présent, celle dont le plus grand potentiel réside dans l'impulsion, et pas nécessairement dans le rodage. La préparation n'est pas toujours un gage de qualité: sa réduction n'en est donc pas un de médiocrité», expliquent les trois organisatrices de l'événement, dont deux sont étudiantes à l'Université Laval.
Avec ce festival, elles souhaitent offrir une plateforme à des artistes boudés par les diffuseurs traditionnels, ou encore à des artistes «établis» qui souhaitent essayer de nouvelles choses. «Chaque soir, nous quittons à pied la Charpente des fauves, notre quartier général, avec 50 spectateurs pour un trajet spectatoriel. Il n'y a qu'un seul départ et chaque prestation, étant donnée son caractère risqué, n'est présentée qu'une seule fois. Nous nous arrêtons dans différents lieux de diffusion atypiques, comme le Garage Vallières et Nadeau, l'église Saint-Sauveur et des lieux extérieurs tenus secrets. Nous assistons à des performances d'une vingtaine de minutes pendant lesquelles les artistes tentent des choses qu'ils n'ont jamais faites auparavant, des choses qui relèvent souvent du fantasme», indique Jade Gagnon, coorganisatrice du Casse-Gueule et étudiante à la maîtrise en littérature et arts de la scène et de l'écran.
Au Casse-Gueule, le risque artistique est présent à tous les niveaux, de la création à la diffusion. Parmi les 15 prestations, la moitié proviennent d'un appel de projets et ont été sélectionnées au hasard. Les organisatrices ont, en effet, choisi de ne pas juger la qualité des propositions, mais de piger parmi toutes celles qui répondaient aux critères de l'appel. «Étant donné que nous invitons les artistes à nous proposer des projets risqués, il nous semblait pertinent, en tant qu'organisatrices, de nous exposer, nous aussi, au risque et d'assumer ce risque dans notre programmation», souligne Jade Gagnon.
En plus, des prestations présentées lors des parcours déambulatoires, le Casse-Gueule accueille aussi une résidence de création, qui débute le lundi 21 août. Un groupe d'artistes volontaires y participent et ils présenteront le fruit de leur recherche-création au cours d'un des trajets spectatoriels.
Le téléphone arabe mis en musique
Parmi les artistes qui se mettent en danger au Casse-Gueule, on compte quelques étudiants de l'Université, dont Christophe Hamel, inscrit à la maîtrise en philosophie et au baccalauréat en droit. Aussi musicien professionnel, il est le concepteur du projet «Téléphone musical», qui sera interprété par le groupe Moyen Terme.
«C'est une idée que je caressais depuis longtemps, avoue-t-il. On sera 4 musiciens et il y aura un DJ en charge de la console de son. Le DJ va envoyer dans les écouteurs des musiciens des séquences musicales et chaque musicien devra improviser à partir de ce qu'il entend. Ce qu'il y aura de particulier, c'est que cette improvisation sera une adaptation du jeu du téléphone.» En fait, le deuxième musicien entendra seulement ce que joue le premier musicien; le troisième uniquement ce que joue le deuxième; le quatrième seulement ce que joue le troisième; et le premier entendra le jeu du quatrième. Tous les musiciens joueront simultanément et ce sera au DJ de tenter de rendre le tout le plus harmonieux possible.
«J'ai l'habitude d'improviser en groupe. Habituellement, les musiciens prennent des directions ensemble, se répondent, développent un langage musical. Avec le téléphone musical, je veux briser les réflexes des musiciens. Quand on improvise avec d'autres, on s'en tient habituellement à des conventions harmoniques ou mélodiques. On va reprendre certaines formes de la musique populaire, parce que c'est ce qu'on est habitués d'entendre. Ce sont ces réflexes dont je veux libérer les musiciens. Bref, on va improviser "à l'aveugle". C'est une proposition plus risquée», commente Christophe Hamel.
L'étudiant est enchanté de pouvoir tenter l'expérience. «Déployer un tel concept dans le monde actuel de la musique, déclare-t-il, ce n'est pas évident. Habituellement, il faut construire la musique, puis la médiatiser, puis on a la chance d'offrir un spectacle. Le Casse-Gueule me permet de lancer un concept original, d'entrer dans le monde musical par une porte différente.»
Une performance qui joue avec la présence et l'absence
De son côté, l'étudiant au doctorat en littérature et arts de la scène et de l'écran David B. Ricard propose «On ne revient jamais à la maison», une performance qui allie vidéo et danse.
«Pour ma part, dit-il, je crée la partie vidéo. La partie danse sera interprétée par mon ex-amoureuse. Lorsque nous étions ensemble, nous avions décidé de ne pas avoir d'enfants. Pour remplacer le concept de "famille", nous avions forgé le concept de "maison". Au Casse-Gueule, nous présenterons une performance improvisée sur le thème du deuil que nous devons faire de notre concept de "maison". Ce sera un dialogue entre deux médias, deux univers. Ce sera aussi la rencontre de l'absence – je n'agirai que par l'intermédiaire de la vidéo – et de la présence – avec la danseuse qui occupera la scène.»
L'étudiant explique que c'est un projet auquel il avait déjà rêvé, mais qu'il n'avait jamais osé faire. «C'est tellement rare d'avoir une possibilité de diffusion pour un projet hors normes, s'exclame-t-il, heureux que le Casse-Gueule lui permette de réaliser l'improbable.
La possibilité de présenter devant un public une idée folle est vraiment ce qui incite les artistes à participer à cet événement. «Ce qu'ils nous disent apprécier surtout, ce sont les échanges immédiats avec le public. Dès la fin de la performance, ils se joignent au groupe de spectateurs et accueillent les impressions favorable ou les critiques constructives de l'assistance», conclut Jade Gagnon.
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