18 avril 2023
Au centre de la communication électorale et référendaire
Dans son récent ouvrage, Alain Lavigne se penche sur le marketing politique ayant entouré le projet de souveraineté du Québec durant trois décennies, à travers le personnage incontournable qu’a été Jacques Parizeau
Parizeau: oui au marketing d’un pays. C’est le titre du livre de près de 200 pages, abondamment illustré, qui vient de paraître chez Septentrion et que le professeur Alain Lavigne, du Département d’information et de communication de l’Université Laval, a consacré au projet de souveraineté du Québec sous l’angle de la communication politique et à travers l’un des principaux porteurs de l’idéal de l’indépendance, Jacques Parizeau.
Le livre couvre la période comprise entre 1969 et 1995. En 1969, le professeur d’économie à l'École des hautes études commerciales de Montréal (aujourd'hui HEC Montréal) et ancien haut fonctionnaire, ayant participé notamment à la création de la Caisse de dépôt et placement, prend sa carte de membre du parti indépendantiste, le Parti québécois. En 1995, il remet sa démission comme premier ministre après la défaite du camp du Oui lors du référendum sur la souveraineté du Québec.
«Durant cette période, explique le professeur Lavigne, le marketing politique va évoluer, entre autres au gré du raffinement des sondages. Au début des années 1960, Jean Lesage avait pas mal modifié les règles de la communication politique en ayant recours à la télévision, un média qui allait devenir dominant. Les référendums de 1980 et 1995 ont amené de l’originalité, notamment les grands rassemblements comme celui organisé par le camp du Non et qui a attiré plusieurs milliers de personnes à Montréal. Sinon, la recette du marketing politique, faite de publicité, de slogans, de gestion de l’image, de contrôle du message et de présence médiatique, n’a pas tellement changé au fil des décennies. La publicité est demeurée très présente. Mais on constate une plus grande variété dans les messages, une plus grande quantité aussi.»
Après deux élections générales où il obtient respectivement 23% et 30% du vote, le Parti québécois prend le pouvoir en 1976 avec 41% des voix. Parizeau est nommé ministre des finances par le premier ministre René Lévesque. L’ex-professeur d’université fait sa marque par sa compétence et sa clarté. Sur le plan de la communication politique, il écoute les stratèges de son parti, mais refuse de donner une image «robotisée» de lui-même, astreinte à la rectitude politique. Il préfère les propos clairs et directs. En 1995, il déclare: «J’ai beaucoup de difficulté à être un politicien».
Le parcours politique de Jacques Parizeau fut exceptionnel. Sur un quart de siècle, il participera à six élections et deux référendums. Le couronnement de sa carrière politique survient en 1994 lorsqu’il est élu premier ministre du Québec.
Après Duplessis, Lesage, Bourassa et Lévesque
L’ouvrage d’Alain Lavigne est le quatrième du genre qu’il écrit sur un politicien ayant marqué l’histoire du Québec. Maurice Duplessis fut le premier. Ont suivi Jean Lesage, puis Robert Bourassa et René Lévesque. Tous ont la même importance à ses yeux. Et tous l’ont surpris.
«En ce qui concerne Parizeau, explique-t-il, ce qui m’a étonné est à quel point il était déterminé dans son engagement politique. Il n’avait pas trop la langue de bois. Il était bon joueur et s’adaptait aux exigences des stratèges, compte tenu de la cause qu’il servait. Il était conscient de la joute politique, il l’acceptait et il l’appréciait. Il comprenait bien cette logique de transposition du marketing en économie au marketing en politique. Il a accepté de jouer dans le film et d’être lui-même l’objet d’une mise en marché.»
Pour l’auteur, il est clair que tout au long de sa carrière, Jacques Parizeau a d’abord été un professeur d’université. «Il a enseigné aux HEC durant 20 ans avant les élections gagnantes de 1976, indique-t-il. Après avoir quitté la politique en 1984, il retourne aux HEC pendant quatre ans avant de revenir en politique. Son rapport avec les journalistes était pédagogique. Il avait le souci de bien expliquer les choses. Les journalistes l’aimaient bien. Même les sujets pointus devenaient des spectacles. L’an dernier, j’ai assisté, sur le terrain de l’Hôtel du Parlement, au dévoilement de la statue qui lui rend hommage. Le premier ministre François Legault et l’ancienne première ministre Pauline Marois ont tous deux déclaré avoir été étudiants du professeur Parizeau.»
Alain Lavigne était au Salon international du livre de Québec, il y a quelques jours. «Mon livre se vend bien, dit-il. Il a reçu une bonne couverture de presse et il rejoint les gens, en particulier ceux d’une certaine génération. Mes livres servent à des professeurs du secondaire, qui utilisent les images, ensuite les textes, pour sensibiliser leurs élèves à notre histoire politique.»
Loin de s’arrêter, le professeur réfléchit à un projet de livre axé, cette fois, sur le marketing politique au féminin. «Ce livre serait basé sur la carrière de Pauline Marois, précise-t-il. Il permettrait de traiter des courses à la chefferie. Madame Marois en a fait trois.»
Un prochain livre pourrait remonter dans le passé antérieur à Duplessis. «Plutôt que le marketing politique, poursuit-il, le livre irait dans la logique de la propagande au 19e siècle, par exemple avec Honoré Mercier.»