Plus de 30% des personnes qui consultent pour un trouble musculosquelettique reçoivent une prescription pour un examen d'imagerie et 45% prennent des médicaments pour traiter ce problème. «Dans plus de 40% de cas, ces examens d'imagerie seraient inappropriés et les études sur les bénéfices liés à l'utilisation de médication pour traiter ces problèmes ne sont pas concluantes. Il est temps d'identifier et de privilégier les interventions les plus efficientes pour les troubles musculosquelettiques afin de mieux traiter les personnes qui en souffrent et d'utiliser plus judicieusement les ressources du système de santé», estime Rose Gagnon, doctorante en sciences cliniques et biomédicales à la Faculté de médecine de l'Université Laval.
Dans un texte de réflexion publié par la revue Physiotherapy Canada, la doctorante, rattachée au Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale, et une équipe formée de physiothérapeutes et de médecins constatent le lourd fardeau des troubles musculosquelettiques au Canada.
«Les plus récentes données, qui datent de 2010, chiffraient les coûts annuels à plus de 8,7 milliards de dollars, incluant 6,7 milliards en coûts directs. C'est près de 7% de toutes les dépenses en santé au pays, souligne Rose Gagnon. Il se pourrait que ce pourcentage soit encore plus élevé aujourd'hui parce que les installations et postures sous-optimales des personnes en télétravail ainsi que la sédentarité plus importante liée à l'arrêt des activités semblent avoir causé une recrudescence de troubles musculosquelettiques depuis le début de la pandémie.»
Présentement, les troubles musculosquelettiques ont tendance à entraîner une surutilisation d'examens et de traitements, constate la doctorante. «Les patients croient souvent que pour être bien soignés, il faut des examens d'imagerie et de la médication. Pour des médecins surchargés et pressés, il est souvent plus simple de répondre à leurs attentes plutôt que de prendre le temps de leur expliquer la cause du problème et les moyens les plus efficaces pour le traiter.»
Dans le cadre de sa maîtrise, l'étudiante-chercheuse a réalisé un projet pilote qui comparait l'évolution des patients qui se présentaient à l'urgence pour un trouble musculosquelettique mineur lorsqu'ils étaient pris en charge par des physiothérapeutes ou par des urgentologues. Des évaluations effectuées un mois et trois mois plus tard ont révélé que les patients vus par les physiothérapeutes rapportaient moins de douleurs et moins d'interférence de la douleur avec les activités quotidiennes. Aucun d'eux n'était retourné à l'urgence à cause du même problème contre 21% dans le groupe de patients vus par les urgentologues.
«Il s'agissait d'une étude qui évaluait l'efficacité de l'intervention, souligne Rose Gagnon. Pour que l'idée fasse son chemin dans la pratique, il faudra prouver qu'en tenant compte des coûts, c'est la façon la plus efficiente de dispenser les soins. C'est ce que je tente de faire dans le cadre de mon doctorat.»
Les troubles musculosquelettiques mineurs représentent jusqu'à 25% des consultations à l'urgence. Selon Rose Gagnon, la plupart de ces patients pourraient être pris en charge par des physiothérapeutes. «Présentement, seules quelques urgences québécoises ont intégré des physiothérapeutes dans leurs équipes. Le système de santé gagnerait à laisser plus de place en première ligne aux physiothérapeutes, de même qu'aux autres professionnels de la santé. Pour que cela se produise, il faudra inévitablement démontrer l'efficience de leurs interventions.»