Dès l'an prochain, les candidats au baccalauréat, en France, pourront découvrir l'univers littéraire d’Hélène Dorion. Non seulement la poétesse devient la première Québécoise à être étudiée dans ce programme national, elle est aussi la première femme à recevoir cet honneur de son vivant.
Jointe à Paris, Hélène Dorion ne cachait pas son enthousiasme. «J'ai appris la nouvelle en juin dernier lorsque le ministre de l'Éducation nationale a approuvé l'inscription de Mes forêts au programme. Ce fut une grande surprise. Au Québec, nous ne sommes pas forcément au courant de ce que représente le baccalauréat français. Je réalise aujourd'hui l'importance de cette institution séculaire. Chaque année, plus de 500 000 lycéennes et lycéens passent le baccalauréat. Mon œuvre sera désormais au programme aux côtés de celles de Rimbaud et Ponge. C'est un peu surréaliste.»
L'auteure est en France dans le cadre de cette annonce officielle. Lectures publiques, entrevues avec les médias, tournées dans les écoles et les librairies, rencontres avec des décideurs du milieu de l'éducation, conférence à la Maison de la poésie, spectacle littéraire au Centre national du livre: son horaire est réglé au millimètre près pendant plusieurs jours.
Hélène Dorion profite de toutes ces rencontres pour discuter de son recueil et promouvoir sa vision de l'expérience poétique. «Contrairement aux textes de Rimbaud et Ponge, qui font partie du domaine public, il y a peu d'appareil critique autour de Mes forêts. Pour moi, il est important que les professeurs présentent cette œuvre comme une expérience immédiate de la poésie, que les élèves lisent eux-mêmes le livre plutôt que d'y entrer d'abord par l'analyse. Je souhaite que la lecture leur donne envie de poursuivre leur rencontre avec la poésie, qu'ils sentent comment cet art peut les transformer et nourrir leur regard sur le monde.»
Mesforêts est paru en 2021 aux Éditions Bruno Doucey. Ce recueil, réédité récemment en format poche, se veut un appel à l'espoir et à l'émerveillement. Dans ce monde où règne le chaos, les mots de la poétesse invitent à prendre un temps d'arrêt pour s'imprégner des beautés de l'univers et réfléchir à la fragilité humaine.
L'écriture du livre, qui a débuté lors d'une résidence de création au Banff Centre for Arts and Creativity, a été fortement influencée par la pandémie. L'auteure s'est aussi inspirée des insectes, des arbres, des bourgeons et du feuillage de la forêt, celle qui borde sa résidence en Estrie, où elle s'était réfugiée lorsque la crise sanitaire a frappé. «Je regardais tous ces êtres vivants, immobiles, confinés, un peu comme nous l'étions nous-mêmes. La forêt est devenue une métaphore qui rappelle notre fragilité comme être humain. D'autres questions se sont greffées; avec la pandémie, plusieurs ont été secoué dans leurs choix de vie, leurs agitations, leurs tourments, leurs manières d'être et de faire. L'écriture des poèmes a été nourrie par ces réflexions.»
L'Université Laval, là où tout a commencé
En 40 ans, Hélène Dorion a bâti une œuvre imposante et maintes fois primée (notamment du prestigieux prix Athanase-David). On lui doit recueils de poésie, romans, essais et livres pour enfants.
L'auteure est l'une des premières à avoir fait le programme de maîtrise en création littéraire à l'Université Laval, au début des années 1980. Elle est aussi titulaire d'un baccalauréat en philosophie. Ces sont ces deux domaines d'études qui lui ont donné envie de porter une réflexion sur sa démarche créatrice et de s'attaquer à de grandes questions philosophiques.
Pour elle, il est important d'entretenir un lien avec son alma mater. «Je ne peux pas penser à mon cheminement, ma démarche et ce qui m'a amené à l'inscription d'un de mes livres au baccalauréat français sans penser à mes fondations. Mes deux fondations sont à l'Université Laval: le baccalauréat en philosophie et la maîtrise en création littéraire.»
Encore aujourd'hui, Hélène Dorion se souvient du tout premier cours qu'elle a suivi à la Faculté de philosophie. «À l'époque, j'habitais chez mes parents. Après le cours, je suis revenue chez moi et ma mère m'a demandé: “Et puis, c'était comment?” Je lui ai répondu: “C'était extraordinaire! Je n'ai rien compris”, lance-t-elle en riant. Un monde de connaissances venait de s'ouvrir. Durant mes études, j'ai rencontré des enseignants éveilleurs qui ont fait de moi une personne émerveillée», dit celle qui a été fortement marquée par la pensée des philosophes grecs, entre autres.
De la maîtrise en création littéraire, elle garde des souvenirs tout aussi précieux: «L'Université Laval a été parmi les premières universités à offrir une maîtrise en création. Ce programme m'a permis de publier mon deuxième livre, Hors champ, et de mener une réflexion sur l'écriture. C'est à l'Université Laval que le passage de la philosophie à la création s'est fait. Comme écrivaine, c'est ma maison natale.»
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