Au son du piano d'Anne-Marie Bernard, aussi cheffe de chant, un trio d'étudiants animait la scène de la salle Henri-Gagnon, en début d'après-midi, le 6 mars. La semaine de lecture est une période de travail intensive pour l'Atelier d'opéra de la Faculté de musique, qui présentera les 12 et 18 mars, trois opérettes de Jacques Offenbach.
«Les gens ne peuvent faire autrement que de s'amuser sur le plan musical avec ce répertoire», lance la soprano Catherine-Élisabeth Loiselle. Étudiante au doctorat en interprétation du chant, elle se spécialise dans la musique française, dont celle d'Offenbach. «On disait qu'il était le Mozart des Champs Élysées, où il avait son théâtre, parce que sa musique était fraîche, pétillante, légère et accessible, comme celle de Mozart.»
Si on connaît Offenbach pour Les Contes d'Hoffmann, La belle Hélène et Orphée aux enfers, elle trouve intéressant de revenir sur ce qui a été la naissance de son art, soit les petites opérettes. La soprano prête sa voix à mademoiselle Aspasie, dans l'œuvre Une demoiselle en loterie. Son personnage souhaite se marier à un homme riche et se met en loterie: 200 billets à vendre, 1000 francs chacun. Son futur époux gagnera les 200 000 francs récoltés et sa main.
Très proche du théâtre
«Une opérette est très proche du théâtre avec des dialogues, des textes parlés, ce qu'il n'y a pas à l'opéra habituellement, souligne Catherine-Élisabeth Loiselle. Ce n'est pas quelque chose que le chanteur a l'occasion de travailler dans son propre répertoire en préparant un examen ou un récital. Cet exercice enrichit énormément le travail vocal, aide à mieux comprendre les mélodies et à mieux arrimer le texte à la musique.»
Voilà les objectifs de l'Atelier d'opéra: décortiquer la partition, monter la partie musicale, développer des qualités d'acteur pour avoir de l’aisance sur scène et amorcer ce qui ressemble à une carrière de chanteur. La soprano, qui y participe pour une troisième fois, chante aux côtés de sept étudiantes et étudiants des trois cycles. Elle mentionne que les œuvres choisies cette année permettent d'offrir un rôle complet à plusieurs, qui se produisent en duo, en trio et en quatuor. «C'est l'intérêt des petites opérettes par rapport à un opéra, qui demande plus de déploiement et de ressources.»
L'accent alsacien
Dans la pièce Lischen et Fritzchen, le chanteur et la chanteuse doivent prendre l'accent alsacien. Offenbach, naturalisé Français assez tôt, était allemand de naissance, explique Catherine-Élisabeth Loiselle. Le compositeur avait un fort accent, dont lui-même et les autres riaient.
«Les p et les b sont proches, le je devient plus che», illustre Érika Gagnon, qui signe la mise en scène des trois opérettes. Elle travaille avec l'équipe depuis janvier comme chargée de cours pour l'interprétation sur scène.
«L'accent alsacien, c'est un beau défi, dit-elle. Le responsable des classes de chant, Jean-François Lapointe, est assez ferré et les a coachés. On a aussi fait un travail d'écoute; on est allé voir un humoriste, pour chercher à comprendre les différences. En québécois, l'accent tonique est souvent sur la dernière syllabe, tandis qu'il est plus sur la première en français alsacien.»
La metteure en scène soulève des récurrences dans l'œuvre d'Offenbach. Il y a toujours une lettre qui révèle des secrets. Beaucoup de choses valent deux sous. La quinzaine de jours est importante. Et il y a souvent des histoires entre cousin et cousine, comme dans Le Mariage aux lanternes, également au programme.
«L'oncle Mathurin a laissé sa ferme à Guillot et lui a demandé de s'occuper de Denise, résume Érika Gagnon. Ils sont cousin/cousine et amoureux. Vers la fin, l'oncle leur a envoyé une lettre et, à l'heure de l'Angélus, ils doivent se rencontrer sous l'arbre et découvrir un trésor.» Un arbre à gauche, une place publique à droite; la metteuse en scène voulait que tout se déroule dans un même décor.
Catherine-Élisabeth Loiselle précise que les opérettes Une demoiselle en loterie et Le Mariage aux lanternes ont été présentées à quelques mois d'intervalle au milieu du 19e siècle. «Offenbach écrivait la musique très rapidement, c'était l'effervescence qui a suivi l'Exposition universelle. Il y avait beaucoup de similitudes et le public se reconnaissait d'une histoire à l'autre.»
Encore aujourd'hui, dit-elle, «les gens vont avoir les oreilles qui se plaisent».
Les représentations des opérettes Le Mariage aux lanternes, Lischen et Fritzchen et Une Demoiselle en loterie auront lieu le dimanche 12 mars à 15 heures et le samedi 18 mars à 14 heures.