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9 février 2023

Adapter les logements sociaux pour éviter une baisse des valeurs résidentielles à Québec

Une équipe de recherche a démontré qu’une construction réfléchie selon le secteur peut réduire les effets négatifs sur le prix des maisons unifamiliales en banlieue

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— Getty Images/Jacques Durocher

Le syndrome du «Pas dans ma cour!» freine l'implantation des logements sociaux dans la ville de Québec. Certains résidents craignent une diminution de la valeur de leur propriété. Or, une équipe de recherche de l'Université Laval a démontré qu'une construction réfléchie selon le secteur peut réduire les effets négatifs sur le prix des maisons unifamiliales en banlieue, voire augmenter la valeur de celles situées au centre-ville.

En 2020, le chercheur Jean Dubé, professeur titulaire à l'École Supérieure d'aménagement du territoire et de développement régional de l'Université Laval, a été mandaté par la Ville de Québec pour étudier la relation entre la construction de logements sociaux et les prix résidentiels.

«On constate qu'en milieu urbain, ça n'entraîne pas une diminution de la valeur, bien au contraire. En fait, l'effet de densification associée à la construction neuve l'emporte sur les effets négatifs qui pourraient être associés à la présence des logements sociaux. La densification entraîne son lot d'avantages pour les achats locaux, ce qui peut amener une hausse de la présence commerciale. Cette dynamique fait en sorte que ça pousse les prix à la hausse», explique le professeur Jean Dubé.

En banlieue, principalement au nord, la situation est inversée. La construction de logements sociaux a un effet plutôt négatif sur les valeurs résidentielles avoisinantes. 

Recommandations pour faciliter la mise en place

L'équipe a présenté ses conclusions à la Ville de Québec et proposé quelques lignes directrices. Elle suggère entre autres d'adapter le gabarit des logements sociaux à l'endroit où on veut en construire. «Des tours se fondent bien dans le décor au centre-ville, mais ce n'est pas le cas en banlieue. Cette différence de gabarit peut contribuer à les identifier plus facilement et à les stigmatiser, ce qui peut entraîner une diminution de la valeur des maisons», ajoute M. Dubé.

Outre une taille adaptée, une architecture semblable aux nouveaux logements privés rend les logements sociaux plus difficiles à différencier. «Ça pourrait éviter d'avoir une stigmatisation où tout le monde pointe du doigt parce qu'ils savent que c'est du logement social. Il faut éviter d'entretenir une certaine psychose autour du “Je ne veux pas être à côté parce que c'est mal vu”. Alors que si ça se fond dans le paysage, les gens restent là et n'en font pas de cas, car ils ne peuvent pas différencier».

Selon Jean Dubé, l'organisation spatiale du quartier peut également réduire l'effet négatif des logements sociaux. «L'idée est d'amener, en même temps que la construction de logements sociaux, des infrastructures qui offrent des retombées positives, comme des espaces verts. Ça peut largement contribuer à contrebalancer la prime négative», précise-t-il.

Le chercheur se demande si on a besoin d'aller aussi loin en banlieue pour développer du logement social. «Ultimement, si les gens n'ont pas ou peu de facilité à se déplacer et qu'on les éloigne du centre, on peut contribuer à les marginaliser davantage. Ce n'est pas une situation gagnante. Si on doit les amener plus loin en banlieue, il faut réfléchir à développer ces secteurs différemment.»

Pour leur analyse, l'équipe de recherche a considéré les logements sociaux construits entre 2000 et 2020, de même que le prix des maisons unifamiliales des transactions entre 2004 et 2020.

«Dans le pire des scénarios, c'était une baisse de l'ordre de 4,5% dans les banlieues. En plein centre, dans le meilleur des cas, c'était une augmentation d'environ 2,5%. Donc, même avec les pratiques qu'on a actuellement, ça n'a pas baissé tant que ça», rassure le professeur Dubé.

Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Housing Policy Debate. Les signataires sont Jean Dubé et François Des Rosiers, de l'Université Laval, et Nicolas Devaux, de l'Université du Québec à Rimouski (UQAR).