Entre mai et octobre 2021, 360 Québécoises et Québécois francophones âgés de 18 à 35 ans ont participé à une enquête du Centre d’études sur les médias (CEM) de l’Université Laval. L’objectif consistait à évaluer l’efficacité d’un atelier éducatif en mode mobile développé par HabiloMédias, le Centre canadien d’éducation aux médias et de littératie numérique, en partenariat avec le CEM. Cet atelier vise à contrer les effets négatifs d’un phénomène préoccupant, soit la désinformation et la mésinformation en ligne. Comment? En développant de meilleures pratiques informationnelles. L’enjeu est de taille, car l’accès à des sources diversifiées et fiables de nouvelles et d’information constitue l’ancrage d’une démocratie solide.
«Nous sommes confrontés comme société à énormément d’informations de qualité variable sur Internet, notamment dans les médias sociaux, explique la professeure Colette Brin, directrice du CEM au Département d’information et de communication. Une des solutions les plus prometteuses pour contrer les informations fausses et trompeuses est de former les citoyens, surtout les plus jeunes adultes, pour qu’ils soient capables de se prémunir contre ces menaces en évaluant l’information de manière critique.»
Textes, vidéos, documents multimédia, quiz, jeux: ces dernières années, de nombreuses initiatives éducatives numériques ont vu le jour dans le monde pour contrer la désinformation, sauf que celles qui ont fait l’objet d’une validation par des chercheurs sont plutôt rares. Ce manque de connaissances, l’étude du CEM visait à le combler. Pour cela, une équipe multidisciplinaire de chercheurs composée principalement de professeurs de l’Université Laval a été constituée. Colette Brin était la chercheuse principale du projet. Le financement fut assuré par l’Initiative de citoyenneté numérique du ministère du Patrimoine canadien. Les partenaires externes comprenaient notamment l’organisme HabiloMédias et divers organismes communautaires.
Les participants à l’étude avaient 25,7 ans en moyenne. La plupart étaient nés au Canada, les deux tiers étaient des femmes. Francophones pour la plupart, les trois quarts vivaient hors de Montréal. Enfin, le quart des participants avaient un diplôme universitaire.
Des résultats prometteurs
Démarrée en 2020, l’étude vient d’être publiée par le Centre d’études sur les médias. Quatre variables principales ont été mesurées: l’état de la désinformation à l’égard de la COVID-19, la confiance envers l’information trouvée sur les médias sociaux, les pratiques de vérification des informations trouvées en ligne et le partage d’informations non vérifiées.
Les résultats de l’analyse des données indiquent que les participants ont eu moins tendance à adhérer aux énoncés contestables à propos de la COVID-19. Ils ont également démontré une plus grande sensibilisation à la nécessité de vérifier les informations trouvées en ligne, ainsi qu’une plus grande confiance dans leur capacité à détecter les fausses informations.
Les chercheurs ont aussi observé une légère diminution de la confiance envers les informations trouvées sur les médias sociaux, de même qu’une diminution dans le partage d’informations non vérifiées.
Quatre à six semaines après avoir pris part à l’atelier, les participants démontraient une amélioration de leurs attitudes et pratiques quant à la vérification d’informations en ligne.
Bref, l’atelier éducatif mobile d’HabiloMédias s’est révélé utile pour lutter contre la désinformation. Il a eu une incidence positive, notamment chez les individus réceptifs aux idées conspirationnistes. Cependant, à plus long terme, les effets bénéfiques observés ont eu tendance à s’estomper.
Prendre un moment d’arrêt et de réflexion critique
«Ce genre de recherche était une première pour le Centre d’études sur les médias, souligne Colette Brin. Il n’est pas toujours évident d’intéresser les jeunes en général à des questions politiques, au-delà de leur réalité quotidienne et de certains enjeux. Il est plus difficile d’avoir leur attention quand on leur parle de participation électorale ou de désinformation.»
Selon la professeure, la recherche a permis de faire un pas en avant vers l’objectif de développer de meilleures pratiques informationnelles chez les jeunes adultes francophones. «Les résultats, dit-elle, ne sont pas aussi spectaculaires qu’on le souhaitait, mais il y a eu chez les participants une prise de conscience et une volonté de changer leurs habitudes.»
Des interventions devront toutefois être répétées dans le temps. «Nous invitons les participants à s’exposer régulièrement à ce type de rappel, poursuit-elle. On ne leur demande pas de devenir des scientifiques de l’information, mais de prendre un moment d’arrêt et de réflexion critique pour vérifier, pour ne pas partager trop rapidement des contenus avant d’avoir évalué la qualité de l’information. Cela dit, c’est presque lutter contre la logique des médias sociaux parce que nous sommes plutôt poussés à consommer rapidement, à ne pas beaucoup réfléchir en regardant les manchettes sur un fil d’actualité de l’une ou l’autre des plateformes.»
Les professeurs ayant collaboré à l’étude sont Colette Brin, du Département d'information et de communication, Valérie-Anne Mahéo et Thierry Giasson, du Département de science politique, Philip Jackson, de l'École de psychologie, ainsi que Kimiz Dalkir, de l’Université McGill, et Normand Landry, de la TÉLUQ.