Une cinquantaine de personnes en présence et une quarantaine d’autres à distance ont assisté à une rencontre du Réseau des communicateurs de l’Université Laval, le jeudi 6 octobre au pavillon La Laurentienne. L’activité était organisée par la Direction des communications. Un des temps forts de la rencontre a été la présentation dynamique et interactive du chargé de cours à la Faculté des sciences de l’administration (FSA) et président consultant à Efficience Conseil, Éric Girard. Sa conférence avait pour thème «L’intelligence émotionnelle et ses impacts en milieu de travail».
«Je collabore avec le Service de développement professionnel depuis longtemps, explique-t-il en marge de sa présentation. J’ai d’abord été rattaché à la maîtrise en gestion et développement des organisations, offerte par la Direction générale de la formation continue. Ce programme a été transféré à la FSA il y a environ deux ans. Bien que l’intelligence émotionnelle ne soit pas toujours nommée, elle fait partie intégrante des compétences qui sont développées dans le cadre de ce programme.»
D’entrée de jeu, Éric Girard a souligné que plusieurs études démontrent que l’intelligence émotionnelle, ou gestion de soi, constitue une compétence de leadership de l’avenir. Selon lui, de plus en plus d’organisations prennent le temps de mesurer le quotient émotionnel avant d’engager un gestionnaire.
Selon lui, la pandémie est venue changer toutes sortes de choses en matière de cohésion et de cohérence dans les organisations. «Le contexte mondial actuel et ses nombreux défis, dont ceux liés à la main-d’œuvre, à l’approvisionnement et aux problèmes de santé publique, font en sorte que l’intelligence émotionnelle est plus importante que jamais», a-t-il soutenu.
Le conférencier a ensuite demandé aux personnes présentes quels étaient les premiers mots qui leur venaient en tête lorsqu’elles pensaient à l’intelligence émotionnelle. Une vingtaine de réponses ont fusé assez rapidement: être empathique, être conscient de l’effet de ses paroles sur les émotions des autres, décoder les émotions. «On est beaucoup dans la compréhension, dans l’attention à l’autre», a-t-il commenté.
L’intelligence émotionnelle peut se définir par un ensemble d’aptitudes émotionnelles et sociales qui établissent la façon dont nous nous percevons et dont nous nous exprimons, dont nous nouons et maintenons des relations sociales, dont nous faisons face aux difficultés et dont nous utilisons les informations émotionnelles de façon efficace et signifiante.
En d’autres mots, le défi consiste à répondre à trois questions: en quoi suis-je lié à mon organisation, en quoi suis-je en relation à mes collègues et en quoi suis-je en contact avec qui je suis?
Le chargé de cours a rappelé avoir consacré sa thèse de doctorat en psychologie aux expressions faciales. «De façon simple, indique-t-il, on peut dire que la capacité à “lire” les expressions faciales permet de s’adapter à la situation et à notre interlocuteur. Il s’agit donc d’une capacité importante et utile.»
L’intelligence émotionnelle n’est pas une mesure de notre intérêt professionnel, ni une mesure de notre personnalité. «Certains sont introvertis; ils entretiennent moins de relations sociales, a-t-il expliqué. Mais ces personnes ne sont pas nécessairement moins intelligentes émotionnellement pour autant.»
Perception de soi, expression individuelle, relations humaines, prise de décision et gestion du stress
Éric Girard a vanté les mérites de l’Emotional Quotient Inventory, l’un des principaux modèles servant à mesurer la fréquence des comportements d’intelligence émotionnelle. Cet outil comprend cinq grandes compétences, elles-mêmes subdivisées chacune en trois sous-compétences. Dans les premières figurent la perception de soi, l’expression individuelle, les relations humaines, la prise de décision et la gestion du stress. Les sous-compétences comprennent respectivement l’amour-propre, la capacité à dire comment l’on se sens, l’empathie, le contrôle des impulsions et l’optimisme.
Le contrôle des impulsions consiste à se demander si nos émotions vont ou ne vont pas affecter notre prise de décision dans la résolution de problèmes. «Les émotions prennent-elles trop de place au point où je ne suis plus capable de réfléchir clairement? a-t-il demandé. Durant la pandémie, beaucoup de gens sont devenus extrêmement émotifs. Ils ont été davantage centrés sur leurs besoins, ils ont eu plus de difficultés à être factuels.»
Dernièrement, le conférencier a passé le test Emotional Quotient Inventory. «Mon résultat relatif à l’optimisme, a-t-il raconté, n’était pas parmi les plus élevés. Mon sens des réalités est très fort. J’analyse comme il faut tout ce qui se passe. Cela fait en sorte que mon optimisme puisse être un peu plus bas.»
Selon lui, les cinq grandes compétences sont toutes aussi importantes. «Elles ont des fonctions différentes, mais qui sont liées entre elles, précise-t-il. On parle souvent de la perception de soi en premier, car elle constitue une assise importante pour les quatre autres dimensions. Cela dit, elle n’est pas nécessairement plus importante. Ce qui est mesuré est la fréquence à laquelle nous avons les comportements ou effectuons les actions associés à chacune de ces compétences ou ces sous-compétences. Il n’y en a donc pas une qui est nécessairement plus difficile à travailler. Ça dépend de chacun des individus.»
La documentation scientifique identifie cinq grands besoins individuels. Ils consistent en l’existence d’une structure, à comprendre les choses en profondeur, à avoir du temps pour créer, à avoir le temps de discuter et à être en action. Formulés différemment, ces besoins se traduisent par le respect des règles fixées, par expliquer pourquoi telle chose se fait, par le fait d’amener de nouvelles idées, par la discussion sur ce que ressentent les autres et par l’atteinte des résultats attendus dans les délais prescrits.
«Plus je m’expose et me fais connaître, plus ma zone d’ouverture est grande, a-t-il dit. Plus c’est facile d’avoir une bonne intelligence émotionnelle, personnelle et commune en groupe.»
On ne peut pas contrôler ses émotions
Entre le quotient intellectuel et le quotient émotionnel, quel est le meilleur prédicteur du succès au travail? a demandé Éric Girard. «Il est clair que c’est le quotient d’intelligence émotionnelle, a-t-il répondu. Des études démontrent que le quotient émotionnel compte pour 27% à 45% de la réussite professionnelle. C’est beaucoup. Comment j’agis en milieu de travail, comment je gère mes émotions peuvent faire une grande différence.»
Le conférencier a insisté sur le fait que l’on ne peut pas contrôler ses émotions. «Enlevez cette expression de votre vocabulaire, a-t-il lancé. Une émotion ça vient tout seul, on ne peut qu’apprendre à la gérer. C’est spontané et ça fait partie de nos fonctions primaires.»
Selon lui, quotient intellectuel et quotient émotionnel ne sont pas corrélés. Le premier est inné et atteint son plus haut niveau autour de 17 ans. Le second n’est pas prédéfini et augmente graduellement avec l’âge pour atteindre son sommet vers la fin de la quarantaine.
«Le quotient émotionnel est beaucoup basé sur les gestes que vous posez, sur vos actions, et non pas sur qui vous êtes», a-t-il souligné.
Une étude a démontré que 93% de la communication est d’abord et avant tout axée sur le langage du corps, soit à 38% pour le ton de la voix et à 55% pour le non verbal. Dans cet ensemble, les mots prononcés ne comptent que pour 7%. «Dans le non verbal, a-t-il expliqué, les expressions faciales et les gestes que je fais vont avoir beaucoup d’impact.»
Le ton de la voix s’avère un élément important de la communication. «Nous avons cette capacité de moduler le ton de notre voix afin de véhiculer des messages différents en utilisant les mêmes mots, dit-il. Rona avait fait une campagne de publicité radiophonique excellente, à mon avis, en utilisant cet aspect. La même phrase était prononcée en utilisant deux tons très différents. Les messages reçus étaient tout aussi différents. J’aime bien faire remarquer aux gens ou aux gestionnaires que je coache que nous passons beaucoup de temps à choisir les bons mots, alors que ceux-ci comptent pour 7% de l’impact que je peux avoir, particulièrement lorsqu’un message de nature émotive est communiqué. Évidemment, l’impact des mots est de 100% lorsque je communique par écrit.»
Selon Éric Girard, le sourire change automatiquement le ton de la voix. «Ce n’est pas ésotérique, a-t-il précisé, c’est physiologique.»