Environ 1,3 million de kilomètres de route parcheminent le territoire canadien. La plus grande partie de ce réseau, qui fait plus de trois fois la distance de la Terre à la Lune, a été construite pendant les Trente Glorieuses, la prospère période de l'après-guerre. Depuis, le temps et les intempéries ont fait leur œuvre comme en témoignent les fissures, lézardes, crevasses, nids-de-poule, ventres-de-bœuf et planches à laver qui émaillent nos routes. Y a-t-il moyen de réparer ces routes et d'en construire de nouvelles plus durables à coûts raisonnables? C'est à cette question que Jean-Pascal Bilodeau et son équipe tenteront de répondre dans le cadre des travaux d'une nouvelle chaire Sentinelle Nord.
Lancée le 29 septembre à l'Université Laval, la Chaire de recherche en partenariat Sentinelle Nord sur les infrastructures nordiques s'attaque à l'énorme défi de concevoir et de construire, à coûts raisonnables, des routes et des pistes d'atterrissage plus durables dans des milieux qui ont la réputation de faire la vie dure aux infrastructures.
«En régions froides, le gel-dégel saisonnier et les redoux hivernaux, dont la fréquence et l'intensité évoluent avec les changements climatiques, comptent parmi les principaux ennemis des infrastructures de transport. À cela s'ajoutent les charges lourdes qui endommagent les routes. Comme ces problèmes sont présents dans le sud du Québec jusqu'au Nunavik, les résultats de nos travaux seront applicables à tout le territoire québécois, de même qu'à toutes les régions nordiques du monde», souligne Jean-Pascal Bilodeau, professeur au Département de génie civil et de génie des eaux.
Jean-Pascal Bilodeau a une double formation en génie géologique et en génie civil. Cela lui permet de considérer le problème des infrastructures de transport sous un angle original qui combine les deux disciplines. «Les routes sont faites de différents matériaux, par exemple du sable et du gravier, qui interagissent entre eux et avec les sols sur lesquels elles sont construites. C'est un système géotechnique sur lequel des forces internes et externes sont appliquées, notamment par le climat et par les charges des véhicules.»
Le professeur Bilodeau a travaillé pendant une quinzaine d'années comme chercheur au sein d'équipes de recherche en génie civil de l'Université Laval qui étudiaient les routes en milieux nordiques. Il a signé ou cosigné plus de 150 publications techniques dans des revues scientifiques ou professionnelles sur le sujet. Et à la lumière de son expertise, il juge qu'il n'est pas utopique de penser qu'on peut construire des routes plus durables en régions nordiques. Un des grands défis consiste à le faire à coût raisonnable.
«Il y a toujours moyen de faire des routes plus durables en investissant davantage dans certaines composantes ou techniques. Nous sommes devant un problème qui consiste notamment à optimiser, d'une part, la durabilité des routes et, d'autre part, leurs coûts de construction et d'entretien dans un contexte où les budgets sont limités. Nos travaux permettront de développer des connaissances, des outils et des solutions innovantes pour arriver à faire mieux.»
Pendant longtemps, la conception des routes a été faite de façon empirique au Québec, rappelle-t-il. Depuis 20 ans, les approches mécaniste-empiriques gagnent progressivement du terrain en Amérique du Nord et au Canada. «Une méthode mécaniste-empirique permet de mieux tenir compte de la physique des phénomènes impliqués, en plus de la performance in situ des routes. C'est l'un des aspects sur lesquels mon équipe travaille: mettre un peu plus de science dans la conception des routes.»
En plus de faire avancer les connaissances dans ce domaine, les travaux de la chaire permettront de former une relève très en demande sur le marché du travail, souligne le professeur Bilodeau. «Nous espérons former au moins 10 étudiants-chercheurs au cours des cinq prochaines années. Leur expertise sera très en demande, notamment chez les deux partenaires de la chaire, le ministère des Transports du Québec et Hydro-Québec.»