
— Ludovic Gauthier
Quiconque a déjà assisté au Festif! n'est pas prêt d'oublier son aventure. Un concert dans une carrière de sable agrémentée de feux de camp et de voitures écrasées, des prestations d'artistes surprises dans des cours privées, une scène flottante entourée de spectateurs assis sur des chambres à air: voilà le genre d'expériences que l'événement fait vivre, chaque été, à Baie-Saint-Paul, dans la région de Charlevoix.
Pour son mémoire de maîtrise en sociologie, Jessica Crossan s'est penchée sur ce festival qui a vu passer Bran Van 3000, Cat Empire, Loud, les Cowboys Fringants et Hubert Lenoir, entre autres artistes. Celle qui enseigne la sociologie au Centre d'études collégiales en Charlevoix a effectué des entrevues avec 20 festivaliers qui habitent la région et 9 membres de l'organisation de l'événement, en plus d'avoir assisté à des réunions d'équipe.
Son but: comprendre les liens qui unissent le Festif! et les festivaliers locaux. «Contrairement à l'angle économique, touristique ou culturel, le festival comme objet relationnel a été peu traité en recherche. Pourtant, la relation entre un festival et la communauté locale est essentielle dans la réussite et la pérennité de l'événement», souligne Jessica Crossan.
Au fil des entrevues, l'étudiante a constaté que «le festival est le fruit d'une chaine de coopération, une œuvre collective à laquelle participe la communauté locale». De fait, chaque année, une armée de bénévoles met la main à la pâte pour animer les rues de la municipalité et différents lieux inusités.
En plus de réinventer les conventions dans la façon de présenter des spectacles, le Festif! fait appel aux ressources du milieu. «Quand un spectacle est présenté dans la cour à Kim ou à Johanne, il y a une convention partagée du territoire pour les festivaliers locaux qui connaissent ces lieux et ces gens-là. En s'ancrant dans le territoire comme il le fait, le Festif! crée une fierté et un rapport identitaire chez les résidents. De plus, il connaît et utilise la culture locale.»
Un exemple est la série de baladiffusion que les organisateurs ont créée pour parler de musique et de l'univers du Festif! Intitulée Chouennes, cette baladodiffusion fait référence à une expression locale utilisée pour définir une histoire qui est compliquée ou farfelue. La «chouenne» est aussi une monnaie locale créée pour renforcer l'économie circulaire dans la région.
— Jessica Crossan
Petit festival devient grand
Le Festif! est né en 2009. C'est Clément Turgeon qui a lancé cette idée à un groupe d'amis: mettre sur pied un événement d'envergure internationale pour promouvoir la culture et faire rayonner leur village de 7500 habitants.
«Au départ, il y avait quelque chose d'un peu fou et juvénile dans ce projet. Ce n'était pas si simple à l'époque. L'accueil du Festif! fut mitigé. Dès la première édition, les organisateurs ont travaillé très fort pour créer des liens et bâtir une relation de confiance avec la communauté. Peu à peu, les résidents ont embarqué dans ce projet et ont voulu y participer», raconte Jessica Crossan.
Bien sûr, le festival n'est pas à l'abri des critiques. Par exemple, certains festivaliers locaux ont déploré qu'il devient de plus en plus difficile d'avoir accès à des billets, plusieurs spectacles affichant complet dès la vente en ligne des laissez-passer. Pour répondre à ce problème qui a été exacerbé par la pandémie, le Festif! a instauré une prévente locale, 50% des billets n'étant accessible qu'aux citoyens vivant dans la région de Charlevoix.
Selon Jessica Crossan, l'un des défis du festival dans l'avenir sera de conserver ses liens de proximité avec la communauté locale. «Les valeurs de proximité, d'authenticité, de rencontres et d'expérience musicale qui animent le Festif! pourraient être ébranlées par la logique économique. Le festival, pour poursuivre sur sa lancée, n'a pas le choix de se tourner vers des commanditaires, qui eux, bien souvent, veulent davantage de monde. Plus le festival grossit, plus l'expérience de proximité est menacée.»
Le 12 octobre, à 19h, la sociologue tiendra une présentation publique de ses constats de recherche à Baie-Saint-Paul. Cette rencontre se tiendra à la Procure de Maison Mère, située au 63, rue Ambroise Fafard.