C'est en forgeant qu'on devient forgeron, dit-on. Le bien-fondé de ce proverbe ne fait aucun doute, mais les mécanismes neuronaux grâce auxquels la répétition d'une tâche peut conduire à une amélioration de son exécution sont encore largement méconnus. Une étude publiée aujourd'hui dans Nature vient lever une partie du voile sur le sujet et précise le rôle d'un neuromodulateur, la noradrénaline, dans ce processus.
Le premier auteur de cette étude, Vincent Breton-Provencher, de la Faculté de médecine et du Centre de recherche CERVO de l'Université Laval, a entrepris les recherches qui ont conduit à cette publication alors qu'il effectuait un stage postdoctoral dans l'équipe du professeur Mriganka Sur au Massachusetts Institute of Technology. «Nos travaux visaient à comprendre le fonctionnement des circuits neuronaux qui contrôlent la noradrénaline ainsi que leur implication dans l'exécution des tâches et dans le renforcement des apprentissages», précise-t-il.
La noradrénaline est principalement produite par des neurones du locus coeruleus, dans une zone située entre la moelle épinière et le cerveau. «Les corps cellulaires des neurones qui produisent la noradrénaline se trouvent dans le locus coeruleus, mais leurs axones s'étendent dans plusieurs régions du cerveau. C'est ce qui leur permet de moduler des fonctions aussi variées que l'attention, l'excitation, la vigilance, le sommeil, l'apprentissage et le renforcement», souligne le professeur Breton-Provencher.
Les chercheurs ont utilisé des techniques sophistiquées pour activer ou inactiver les neurones du locus coeruleus au moment où des souris exécutaient une tâche ainsi qu'au moment de son renforcement par apprentissage. Pour ce faire, les chercheurs ont «appris» aux souris à associer deux sons de fréquences différentes à une récompense (de l'eau) ou à un stimulus désagréable (un jet d'air sur la tête) qu'elles recevaient après avoir appuyé sur un levier.
Les expériences ont révélé que:
L’activation des neurones du locus coeruleus facilite l'exécution de la tâche et le renforcement des apprentissages.
Les neurones du locus coeruleus qui sont activés pendant l'exécution des tâches aboutissent surtout dans le cortex moteur, alors que ceux qui sont activés pendant le renforcement par apprentissage sont distribués dans plusieurs régions du cerveau.
La noradrénaline semble particulièrement importante pour discriminer les signaux ambigus.
«Par exemple, lorsque le son est de faible intensité et que nous inactivons les neurones qui produisent la noradrénaline, les souris ne prendront pas de chance et elles éviteront d'appuyer sur le levier par crainte de recevoir le jet d'air», explique le professeur Breton-Provencher.
Ces résultats sont-ils transposables au cerveau humain? «Il est bien possible que ce soit le cas, parce que l'organisation des neurones produisant de la noradrénaline est similaire chez la souris et chez l'humain», répond le chercheur. Fait à noter, les principaux médicaments prescrits pour traiter le trouble du déficit de l'attention (TDAH) – Ritalin, Concerta, Strattera – agissent sur la noradrénaline, mais on ne connaît pas leur mode d'action sur le cerveau, ajoute-t-il.
«Nos résultats apportent de nouvelles connaissances sur les neurones qui produisent la noradrénaline, sur leur activité dans différentes zones du cerveau et sur leur rôle dans les comportements nécessitant un apprentissage, résume le chercheur. L'acquisition de ces connaissances fondamentales est une étape essentielle pour améliorer les traitements des désordres neurologiques reliés à la noradrénaline, notamment le TDAH.»