Comment faire rayonner les savoirs autochtones? Comment créer des ponts entre les peuples? Comment contrer la méconnaissance de l'autre? Ces questions à la fois complexes et délicates étaient au cœur d'une discussion qui a eu lieu le 11 mai entre Elisapie Isaac et Michèle Audette. L'artiste inuite et la conseillère principale à la réconciliation et à l'éducation autochtone de l'Université Laval étaient réunies devant l'un des immenses shaputuans installés sur le Grand Axe du campus. Cette activité était présentée dans le cadre du 89e Congrès de l'Acfas.
D'entrée de jeu, Elisapie a insisté sur l'importance des savoirs autochtones. «Nos ancêtres étaient de grands scientifiques. Ils étaient des inventeurs, des ingénieurs, des astronomes, des gens qui voulaient évoluer et apprendre.» «Nous avons une science. Celle-ci doit être honorée, respectée, partagée dans les universités, les cégeps, les écoles et partout à travers la société», a ajouté la sénatrice Michèle Audette.
Avant toute chose, a poursuivi Elisapie, il ne faut pas avoir peur de s'intéresser aux cultures des premiers peuples, ce qui nécessite bien souvent de reconnaitre sa propre méconnaissance. «Il faut partager. Ce que les autochtones veulent, c'est aller à la rencontre de l'autre. Plusieurs allochtones pensent qu'ils n'ont pas le droit d'aller dans des pow-wow. C'est faux. On veut vous voir, vous êtes les bienvenus. Il y a de l'ignorance d'un côté comme de l'autre; c'est important de nommer ce malaise pour ouvrir le dialogue.»
«Un grand moment de reconnaissance»
Le 89e Congrès de l'Acfas se déroule jusqu'au 13 mai sur le thème «Sciences, innovations et sociétés». Au programme, de multiples colloques et activités – en virtuel et en personne – pour échanger sur la recherche et les savoirs. Au total, ce sont plus de 6000 chercheurs provenant de 40 pays qui participent à l'événement.
Pour Catherine-Ann Blackburn, présidente du comité logistique et responsable de la gestion générale du 89e Congrès de l'Acfas, il était primordial de mettre les premiers peuples au cœur de cette grande rencontre. «Dès les premiers échanges avec Michèle Audette à propos de l'organisation de ce congrès, je lui ai fait la promesse que j'accorderais une place de choix pour faire rayonner les premiers peuples et nous offrir un grand moment de reconnaissance. C'est pourquoi l'Université Laval a mis en œuvre une série d'actions et d'activités pour renforcer les liens avec les différentes communautés, mais aussi mettre en lumière la richesse de leurs cultures d'un angle à la fois historique et contemporain», dit celle qui occupe le poste d'adjointe au vice-recteur exécutif.
L'idée d'inviter Elisapie à cette célébration lui est venue après l'avoir vue dans un reportage à la télévision. «Son intelligence, son esprit fonceur et son humilité m'ont profondément touchée. J'admire son habileté à faire vivre à son auditoire un voyage spirituel et à faire vibrer en nous un message d'espoir qu'elle sait si bien mettre en mots sur de douces mélodies. Il fallait que je lui écrive. Ma première rencontre avec elle et Michelle Audette pour discuter du projet s'est terminée en versant des larmes tellement que c'était un grand moment.»
Un grand moment, c'est ce qu'ont vécu également les spectateurs privilégiés qui ont assisté à la prestation de l'artiste qui a suivi la discussion devant le shaputuan. Avec ses deux musiciens, Elisapie a interprété quelques chansons de son dernier album, The Ballad of the Runaway Girl, dont les superbes Arnaq, Una et Wolves Don't Live by the Rules. Le public, visiblement, était conquis.
La performance d'Elisapie a été précédée d'une prière de Jean-Paul Fontaine, aîné de la nation innue, de chants d'artistes wendats et d'une prestation de la troupe de danse Sandokwa.
Dans une brève allocution, Robert Beauregard, vice-recteur exécutif et vice-recteur aux études et aux affaires étudiantes, a rappelé l'importance d'unir art et science pour aborder les grands enjeux de société. «L'art et la science se rejoignent, car ils font appel à la créativité, au brassage des idées, à la discussion, mais aussi à la rigueur, pour arriver à un résultat qui change souvent le regard que nous portons sur notre monde. L'art et la science permettent de transformer la société. C'est pourquoi nous célébrons aujourd'hui les cultures et les savoirs des premiers peuples», a-t-il dit, rappelant la longue tradition de recherche nordique et autochtone qui anime la communauté de l'Université Laval. «Il reste toutefois du chemin à faire pour arriver à réaliser des travaux de recherche scientifique par, pour et avec les premiers peuples. De nombreux professeurs de l'Université Laval sont déjà fort avancés en la matière, mais il reste des efforts à fournir», a-t-il reconnu.
Plus d'information sur l'engagement de l'Université à l'égard des Premiers Peuples:
L'Université Laval en action avec les Premiers Peuples (PDF)