En 2021-2022, les 25 finissantes et finissants de la maîtrise en aménagement du territoire et développement régional (ATDR), inscrits à l’essai-laboratoire et répartis en six équipes supervisées par des enseignants de l’École supérieure d’aménagement du territoire et développement régional (ESAD), se sont penchés pendant deux sessions sur les MRC de L’Île-d’Orléans et de la Côte-de-Beaupré.
Le vendredi 29 avril, les étudiantes et les étudiants ont présenté leurs résultats de recherche dans une salle du pavillon Ferdinand-Vandry. Le projet de Raphaël Boucher, Pascale Chagnon, Marianne Dunlavey, Léa Lemay-Ducharme et Florence Wagner portait sur la problématique de l’eau souterraine à l’île d’Orléans. Reconnue pour ses paysages et son riche patrimoine, l’île située sur le fleuve Saint-Laurent à quelques kilomètres à l’est de Québec compte 7000 habitants et six municipalités.
L’eau souterraine permet d’approvisionner, en eau potable et par puits individuel, près de 90% du territoire habité. Or, depuis au moins 50 ans, on s’inquiète de la qualité et de la quantité d’eau disponible à l’île. En 1992, une étude révélait une contamination de l’eau souterraine par des bactéries et des nitrates. En décembre 1995, une nouvelle du journal Le Soleil portait sur la présence de coliformes dans l’eau potable. En 1999, une étude soulignait la présence dans l’eau de nitrates et de pesticides, des substances découlant des activités agricoles. En 2010, un été particulièrement chaud et sec a entraîné des manques d’eau sur le territoire forçant certains agriculteurs à se faire livrer de l’eau pour leurs cultures. Ces dernières années, des études ont confirmé dans l’eau souterraine la présence de contaminants liés aux activités anthropiques: campings, golf, pépinières, routes et zones bâties.
«Depuis plusieurs décennies, la qualité et la quantité d’eau disponible soulèvent des préoccupations, pourtant peu de chercheurs se sont vraiment penchés sur la question», explique la professeure adjointe à l’ESAD, coordonnatrice de l’essai-laboratoire et responsable de l’équipe étudiante à l’île, Roxane Lavoie. «L’équipe a effectué une recherche exhaustive sur les sources d’information liées à la problématique, poursuit-elle. Elle a analysé des données hydrogéologiques, des résultats de sondage et des transcriptions d’entretiens. La problématique a plus d’ampleur que je ne l’imaginais. En travaillant sur ce projet, j’en ai réalisé la complexité. Nous avons tous été émus de voir que, si près de Québec, il y a des gens qui n’ont pas accès aux mêmes services en eau potable, qu’il s’agit d’un enjeu.»
Un sondage et des entretiens
Plus de 180 citoyens ont répondu à un sondage mené par l’équipe étudiante. Celle-ci a également effectué une vingtaine d’entrevues semi-dirigées avec des acteurs du milieu. Les répondants au sondage, à hauteur de 22%, ont déjà connu des problèmes de manque d’eau à leur résidence. Parmi eux, 29% font face à ce problème chaque année. Plus de 35% des répondants ne consomment pas l’eau du robinet à leur domicile. Plus des deux tiers disent être très préoccupés à propos de la qualité et de la quantité d’eau. Toutefois, 60% ne font pas faire d’analyses de l’eau de leur puits individuel. Pourtant, le ministère québécois de l’Environnement recommande de faire tester l’eau au moins deux fois par année. Par ailleurs, 38% des répondants disent utiliser un système de traitement d’eau potable à leur domicile. Enfin, les sondages et entrevues ont mis en lumière des actions existantes visant à optimiser l’utilisation de l’eau, comme l’irrigation goutte à goutte.
«Un aspect de la problématique est le sens de l’écoulement de l’eau souterraine, souligne Roxane Lavoie. Cet écoulement se fait habituellement du centre vers la périphérie de l’île. Or, des polluants sont émis au centre de l’île par des activités anthropiques comme l’agriculture. Ceux-ci s’écoulent vers la périphérie où se trouve la majorité des puits individuels.»
Il y a quelques semaines s’est tenu un atelier de concertation où les participants ont dégagé une vision commune des enjeux relatifs à l’eau souterraine sur l’île et à sa gestion intégrée.
«Il faut agir face au niveau des connaissances et en vue d’une meilleure concertation, affirme la professeure Lavoie. Nous recommandons la mise en place d’une structure de gouvernance de l’eau, de favoriser l’acquisition de connaissances, d’informer et de sensibiliser les citoyens relativement aux économies d’eau et de favoriser une agriculture plus responsable en ce qui concerne la gestion de l’eau.»
En clair, l’équipe étudiante en ATDR recommande la création d’une base de données gérée par la MRC et la mise sur pied d’un programme de suivi des eaux de pluie, fosses septiques et bassins d’irrigation. Il est également recommandé de mettre en place un partenariat avec l’Université Laval permettant d’accompagner et d’interagir avec les intervenants du milieu. La sensibilisation comprend des activités de formation pour les agriculteurs.
«Il semble y avoir un momentum en ce moment, explique-t-elle. Le problème est de plus en plus criant et je pense que le temps est venu d’agir. Nous avons à l’Université suffisamment de bonnes données brutes et traitées, et une bonne compréhension de la dynamique de l’eau à l’île pour être en mesure d’agir.»