Publier pour avoir des subventions et utiliser ces subventions pour faire de la recherche conduisant à de nouvelles publications, voilà la spirale dans laquelle semblent engagés les chercheurs universitaires. Pour ceux qui tentent de faire leur place dans ce milieu, la pression de publication et son inséparable compagnon, la pression du financement, sont de puissants moteurs qui propulsent ou freinent les carrières universitaires.
Comment composer sereinement avec le stress généré par ces pressions? Quatre chercheurs de l'Université Laval ont partagé le fruit de leur expérience lors d'une table ronde présentée à l'occasion de la Semaine sur la conduite responsable en recherche.
Voici quelques-uns des conseils qu'ils ont adressés à la relève pour l'aider à affronter ce monstre à deux têtes.
Marie-Christine Saint-Jacques, professeure à l'École de travail social et de criminologie
Revenir au sens premier de la publication scientifique
«Il ne fait pas de doute qu'il existe une pression de publication pour les chercheurs universitaires, particulièrement en début de carrière. Mais, diffuser des connaissances, les rendre accessibles à tous, c'est aussi un grand plaisir. C'est une façon de dialoguer avec les autres scientifiques et avec les acteurs de la société. C'est aussi participer à l'effort collectif pour l'avancement des connaissances. Publier est très gratifiant lorsque le contenu a du sens pour nous.»
Bien s'entourer et déléguer
«Les professeurs universitaires doivent faire de l'enseignement, de la recherche, de la gestion et s'impliquer dans la vie départementale. Le plus grand défi est le manque de temps. Il faut savoir s'entourer de personnes avec qui on peut collaborer, échanger et s'obstiner à l'occasion, et leur déléguer une partie des responsabilités.»
Mohsen Agharazii, professeur à la Faculté de médecine
Profiter des conseils d'un mentor
«Il y a énormément de choses à apprendre lorsqu'on commence une carrière en recherche. J'ai eu la chance d'avoir des mentors qui m'ont aidé et qui m'ont accompagné dans cet apprentissage. Le mentorat peut être très utile pour soutenir les jeunes chercheurs et éviter qu'ils se sentent seuls face aux difficultés qu'ils rencontrent.»
Être fier de ses travaux
«Il faut être fier de ce qu'on découvre et publier ses résultats, même si on n'est pas convaincu de leur importance sur le coup. L'un des articles scientifiques qui a eu le plus de retombées dans mon domaine a été publié en 1905 par Korotkoff. Son article tenait sur une seule page et il décrivait une méthode d'auscultation pour mesurer la pression sanguine. Trente-quatre ans plus tard, cette méthode est devenue le standard partout dans le monde. Il faut rendre nos résultats accessibles et laisser la communauté scientifique décider de leur valeur.»
Anne-Sophie Charest, Département de mathématiques et de statistique
Rester centré sur ses intérêts
«En début de carrière, j'ai compris que je devais trouver du financement pour mes étudiants-chercheurs. J'ai vécu la pression de la course à l'argent. J'acceptais de faire partie de demandes de subventions qui étaient assez éloignées de mon domaine. Certaines étaient refusées, avec raison. Par la suite, j'ai compris que pour être efficace, il valait mieux rester centrée sur mes intérêts de recherche.»
Apprendre à gérer son temps et choisir sa voie
«Le travail de professeur universitaire offre énormément de possibilités et personne ne nous dira qu'on en fait trop. Nous sommes en partie responsables de la pression que nous subissons. Il y a des choses qu'on peut changer soi-même. Il faut apprendre à gérer son temps et savoir dire non à l'occasion. Il y a plusieurs modèles de carrière universitaire. Il faut choisir le modèle qui correspond à nos valeurs.»
Philippe Pibarot, professeur à la Faculté de médecine
Viser la qualité
«La pression de publication peut encourager le fractionnement des résultats pour multiplier les articles – les publications saucisson – et la signature d'articles auxquels un chercheur a peu contribué. Il faut résister à ces tentations et être en mesure de défendre chaque mot et chaque résultat d'un article qu'on signe. Il faut privilégier la qualité à la quantité. Les organismes subventionnaires sont maintenant plus sensibles à cet aspect.»
Savourer sa chance
«Il est vrai que les chercheurs subissent beaucoup de pression. Par contre, nous recevons de l'argent pour explorer nos idées et tester nos hypothèses. Par la force des choses, ces idées doivent toujours être nouvelles, alors notre travail n'est jamais ennuyant. Nous avons la chance de pratiquer le plus beau et le plus passionnant métier du monde.»
Le Vice-rectorat à la recherche, à la création et à l'innovation a mis en ligne un balado qui vous permettra d'écouter l'entièreté des échanges de cette table ronde ainsi que des balados sur les autres activités inscrites au programme de la Semaine sur la conduite responsable en recherche.