
Le thème de la solidarité traverse l’ensemble de la programmation du Mois de la poésie. Ce thème met en valeur la parole poétique jumelée entre les poètes de «métier» et les poètes de la relève, entre les poètes autodidactes et les poètes universitaires, entre les poètes de genres et d’origines ethniques multiples. C’est l’éloge de la non-frontière entre la poésie écrite et la poésie vivante, celle performative à voix haute et celle à voix murmurée, entre les êtres, les arts et les lieux.
Près d’une trentaine d’activités réunissant quelque 90 poètes: c’est là l’impressionnante proposition artistique que fait le 15e Mois de la poésie au grand public de Québec et pour la première fois à celui de Chaudière-Appalaches. Le coup d’envoi sera donné par une rencontre thé et poésie à la maison natale du poète québécois Louis Fréchette, né à Lévis en 1839. Le mois prendra fin à la Maison de la littérature de Québec par un spectacle hommage à Sol, le clown clochard de l’absurde aux textes naïfs, poétiques et humoristiques. La musicalité des monologues du célèbre personnage ont inspiré de «vermouilleuses» chansons qu’interpréteront quelques artistes.
«Quinze ans de poésie, c’est formidable!» s’exclame Anne Peyrouse, la nouvelle codirectrice du Mois de la poésie, écrivaine et chargée d’enseignement en création littéraire au Département de littérature, théâtre et cinéma de l’Université Laval. «La poésie, ajoute-t-elle, va se diffuser et prendre la parole pendant tout un mois, c’est fabuleux!»
Le 15e Mois de la poésie a été mis sur pied par la chargée d’enseignement et le Bureau des affaires poétiques. Il a pour thème la solidarité, une idée inspirée par les vers d’Alix Renaud. «Cet écrivain d’origine haïtienne, qui a publié des recueils de poèmes, représente une voix solidaire très forte pour nous», indique-t-elle. Le vendredi 6 mai au Palais Montcalm, un spectacle multilingue mettra en scène des extraits de textes de l’écrivain. La lecture se fera en français, en espagnol et en créole.
La solidarité traverse l’ensemble de la programmation. Ce thème met en valeur la parole poétique jumelée entre les poètes de «métier» et les poètes de la relève, entre les poètes autodidactes et les poètes universitaires, entre les poètes de genres et d’origines ethniques multiples, et autres. «C’est l’éloge de la non-frontière, dit-elle, pas seulement entre la poésie écrite et la poésie vivante, ou celle performative à voix haute et celle à voix murmurée, mais entre les êtres, les arts et les lieux. Ce vaste champ humain, nous voulons le regarder à travers des voix qui montent le ton et celles qui murmurent, à travers des poèmes qui se dansent, se chantent, s’écrivent, se dessinent.»
L’éloge de la non-frontière
Le concept de non-frontière est particulièrement frappant avec les lieux où se produiront les poètes. Ces endroits vont du Musée de la civilisation et L’Îlot des Palais au cabaret club Le Drague, en passant par des librairies, une crêperie, un centre socioculturel et une taverne. Il y aura même une présentation au Monastère des Augustines.
La diversité des présentations sera au rendez-vous: du récital au slam de poésie, en passant par une aventure épistolaire réunissant lettres-poèmes et lettres-œuvres visuelles voyageant entre Tadoussac, Montréal et Saint-Honoré-de-Témiscouata, la forme du Mois de la poésie sera aussi multiple qu’elle sera éclatée, réunissant la poésie à d’autres modes d’expression comme les arts visuels, la danse, la vidéo, la peinture et la musique.
Cette grande variété dans les propositions sera particulièrement évidente avec la performance énergique et flamboyante de drag queens sur scène alors que l’extravagance devient poétique. Dans une direction totalement opposée, le Mois de la poésie offrira un atelier de confection d’un zine, un petit livre artisanal fait main et à tirage limité. Cette formation vise à créer des poèmes en pliant, coupant et collant. Une exposition collective multidisciplinaire proposera une incursion dans un univers créé par la rencontre de huit poètes et de quatre artistes visuels. L’événement débutera par une lecture-performance.
L’Université Laval bien présente
Une forte proportion des poètes du Mois de la poésie ont fait des études à l’Université Laval, entre autres au certificat en création littéraire ou en littérature. C’est notamment le cas de Sophie-Anne Landry, Pierre-Luc Gagné, Shana Paquette, Nathalie Nadeau, Acide Ludique, Michelle Fleury, et Sylvie Nicolas. Ceux et celles qui font présentement des études dans cet établissement sont, entre autres, Mattia Scarpulla, Anne-Marie Desmeules et Thomas Langlois. À titre d’exemple, trois des quatre poètes participant à la rencontre thé et poésie à la maison natale de Louis Fréchette sont passés par l’Université Laval.
Jean Désy est chargé de sessions cliniques au Département de médecine familiale et de médecine d’urgence de l’Université. Ce médecin est aussi écrivain. Avec trois autres poètes, il animera le spectacle L’homme chevreuil le 3 mai au Musée de la civilisation. La soirée se veut un hommage à la nature, telle une confidence sensible de coureurs des bois, draveurs, canotiers, qui ont été le plus souvent silencieux sur les beautés de leurs univers forestiers.
Le Cercle d’écriture de l’Université Laval, quant à lui, offrira un récital sur la thématique de la 60e édition de la revue L’écrit primal. Intitulée Rebriser le mur, cette édition sera publiée à l’automne 2022.
«La ville de Québec bouge beaucoup poétiquement, affirme Anne Peyrouse. Nous croyons que la poésie a sa place partout, même chez les drag queens. On aurait pu la présenter dans un cabinet de notaires. La poésie fait du bien. On l’a vu durant la pandémie au niveau des ventes de recueils de poèmes. La poésie rejoint l’esprit et le corps. Elle recentre les gens sur l’essentiel. Elle procure des émotions partagées qui sont nécessaires, qui sont profondes et qui restent.»
Paul-Marie Lapointe et Anne Hébert chez les Québécois, ainsi qu’Arthur Rimbaud et Saint-John Perse chez les Français figurent parmi ses poètes préférés.
«La relève est présente en poésie, poursuit-elle, je le vois comme enseignante. On le voit particulièrement avec la littérature d’autofiction. La parole intime est très forte. On le constate avec la scène du slam. C’est le retour des troubadours. Cette scène est d’une vitalité incroyable. Cette prise de parole prend une grande liberté avec le langage, notamment en assumant les québécismes. Tout ça contribue à renouveler le langage.»