La hausse de température corporelle induite par une séance de sauna ou par l'application de menthol parvient à réduire temporairement l'une des principales manifestations moléculaires de l'alzheimer chez un modèle animal de cette maladie. En effet, cette thermogénèse renverserait l'altération des protéines tau dans le cerveau, démontre une étude publiée dans la revue Neurobiology of Aging.
«Il s'agit de la première étude qui démontre qu'une hyperthermie légère peut réduire la phosphorylation des protéines tau. Chez les personnes atteintes d'alzheimer, l'importance de cette phosphorylation est directement liée à la gravité des symptômes», souligne le responsable de l'étude, Emmanuel Planel, professeur à la Faculté de médecine et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Les chercheurs ont fait cette démonstration à l'aide de souris transgéniques qui expriment la protéine tau humaine. À partir de l'âge de 6 mois, ces souris produisent des protéines tau altérées. Trois mois plus tard, ces protéines forment des enchevêtrements qui entraînent le mauvais fonctionnement des cellules nerveuses et, subséquemment, leur mort.
Pour simuler une séance de sauna, les chercheurs ont placé ces souris dans un incubateur pendant 45 minutes à 42 degrés Celsius, soit quelques degrés au-dessus de leur température corporelle normale. La hausse d'environ 1,5 à 2 degrés Celsius ainsi obtenue a permis de renverser l'altération des protéines tau dans les cellules de leur cerveau.
L'application d'une solution au menthol sur le corps de ces souris a eu le même effet. La hausse de température d'environ 1,3 degré Celsius qui en a résulté a suffi pour réduire l'altération des protéines tau.
Ces observations apportent une explication moléculaire plausible aux résultats d'une étude finlandaise parue en 2017. Cette étude avait établi que les personnes qui s'adonnaient à plusieurs séances hebdomadaires de sauna avaient un risque réduit de souffrir d'alzheimer.
«Le ralentissement du métabolisme qui survient avec l'âge peut conduire à une baisse de la température corporelle qui pourrait favoriser l'altération des protéines tau et le développement de l'alzheimer, avance le professeur Planel. Notre hypothèse est que les activités qui favorisent la thermogenèse, que ce soit les séances de sauna, l'application d'un onguent au menthol ou l'activité physique, pourraient avoir un effet protecteur contre l'alzheimer.»
Le professeur Planel prévient les personnes âgées que ce serait une très mauvaise idée de s'autoprescrire des interventions qui élèvent la température corporelle. «Comme la régulation thermique diminue avec l'âge, elles pourraient s'infliger un choc thermique. Il faut d'abord mener des études cliniques pour tester l'efficacité de ces interventions et pour préciser les modalités qui les rendent sécuritaires.»
Les autres auteurs de l'étude sont Isabelle Guisle, Geoffrey Canet, Séréna Pétry, Parissa Fereydouni-Forouzandeh, Françoise Morin, Rémi Kérauden, Frédéric Calon et Sébastien Hébert, du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, et Robert A. Whittington, de l'Université Columbia.