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Les premières vagues de la pandémie de COVID-19 ont fortement taxé le personnel infirmier et les préposés aux bénéficiaires, mais les médecins d'urgence ne l'ont pas eu facile eux non plus. En effet, 60% d'entre eux ont dû composer avec un épuisement professionnel élevé pendant la deuxième vague, apprend-on dans une étude publiée dans le Canadian Journal of Emergency Medicine. Il s'agit d'un taux trois fois plus élevé que celui rapporté pendant la première vague.
Ce constat découle d'une enquête menée entre novembre 2020 et février 2021 auprès de 416 médecins d'urgence pratiquant au Canada. Les réponses des participants à un test reconnu – le Maslach Burnout Inventory pour le personnel médical – ont révélé que 41% des répondants ressentaient un épuisement émotionnel élevé. «Il s'agit d'un état qui reflète le sentiment d'être émotionnellement débordé et épuisé par son travail et l'impression de manquer d'énergie et de motivation pour l'accomplir», explique l'un des auteurs de l'étude, Patrick Archambault, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval.
Par ailleurs, 53% des participants rapportaient un niveau élevé de dépersonnalisation. «Ces répondants ressentent une forme de détachement ou d'indifférence qui nuit à leur capacité de faire montre d'empathie et d'écoute à l'endroit de leurs patients», précise le professeur Archambault.
Au total, 60% des répondants avaient l'une ou l'autre de ces manifestations d'épuisement professionnel. Le risque d'épuisement était plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Il était aussi légèrement plus élevé chez les jeunes médecins.
— Patrick Archambault
Une étude antérieure avait révélé que 20% des médecins d'urgence avaient ressenti un épuisement professionnel élevé pendant la première vague. «Pendant les premiers mois de la pandémie, la COVID-19 a surtout frappé les milieux de vie et de soins pour personnes âgées. La deuxième vague s'est déplacée vers la communauté et les urgences ont été très sollicitées. L'augmentation de la charge de travail, l'accumulation de stress, l'alternance des cycles de travail de jour et de nuit ainsi que le fait d'être continuellement confronté à la souffrance finissent par user le personnel soignant des urgences», analyse le professeur Archambault.
Ce haut taux d'épuisement professionnel n'est pas sans conséquence, souligne-t-il. «Le fait d'avoir moins d'écoute et d'empathie nuit à la qualité des soins et le risque d'erreurs médicales est plus grand. Si la situation nécessite un arrêt de travail d'un médecin, la charge de travail de ses collègues augmente, ce qui risque d'accentuer le problème d'épuisement professionnel.»
Malgré le taux élevé d'épuisement professionnel, les médecins d'urgence hésitent à demander de l'aide, constate le professeur Archambault. «C'est malheureusement un autre cas de cordonniers mal chaussés. Il y a une certaine attitude dans le milieu, une posture d'invincibilité, qui fait que demander de l'aide ne vient pas spontanément. Il faut abandonner cette façade, apprendre à être à l'écoute de nos collègues, apprendre à parler de nos problèmes avec eux et ne pas hésiter à faire appel au Programme d'aide aux médecins du Québec ou aux ressources offertes par l'Association médicale canadienne.»