Une étude menée par une équipe internationale de chercheurs montre que le virus de la COVID-19 entraîne l'autodestruction de cellules du système immunitaire qui devraient nous défendre contre cette infection. La sévérité de la maladie augmente en fonction du taux de mortalité de ces cellules, rapportent les chercheurs dans un article publié récemment par la revue scientifique Cell Death & Differentiation.
«Depuis le début de la pandémie, la COVID-19 a été présentée comme une maladie dont les effets se manifestaient principalement au niveau des poumons et de la réponse inflammatoire, la fameuse tempête de cytokines», souligne le responsable de l'étude, Jérôme Estaquier, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval, et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval et à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). «Peu d'attention a été accordée au fait que les deux tiers des patients hospitalisés en raison de la COVID-19 présentent des taux anormalement bas de lymphocytes. Ces cellules jouent un rôle central dans la réponse immunitaire contre les infections», rappelle-t-il.
Le professeur Estaquier et ses collaborateurs se sont penchés sur les cas de 41 personnes admises à l'hôpital en raison de la COVID-19. Onze d'entre elles ont été soignées à l'unité des soins intensifs en raison de la gravité de leur état. Les analyses effectuées sur des échantillons de sang provenant de ces patients montrent qu'ils avaient un déficit immunitaire au moment de leur arrivée à l'hôpital et que son ampleur était liée à la sévérité de la maladie.
«L'infection au SARS-CoV-2 entraîne une cascade de réactions qui augmente les niveaux sanguins de la protéine FasL, un ligand de la mort. Lorsque cette protéine se lie à son récepteur à la surface des lymphocytes T, elle enclenche une forme de suicide cellulaire nommée apoptose. Plus les niveaux de FasL sont élevés, plus la mortalité des lymphocytes augmente», résume le professeur Estaquier.
Cette similitude entre le virus de la COVID-19 et le virus du sida n'a pas échappé à ce chercheur qui étudie le VIH depuis bientôt 30 ans. «Le même phénomène d'apoptose des lymphocytes T se produit dans le sang des personnes infectées au VIH, signale-t-il. Le résultat est que, dans les deux maladies, les personnes infectées parviennent difficilement à monter une réponse immunitaire adéquate contre le virus. Lorsque la mortalité des lymphocytes devient trop élevée, les défenses immunitaires s'écroulent et tous les organes du malade peuvent être infectés.»
Les travaux de l'équipe du professeur Estaquier suggèrent qu'il existerait un moyen de ralentir l'apoptose des lymphocytes chez les personnes atteintes de COVID-19. «Dans des expériences menées in vitro, nous arrivons à réduire de 60% l'apoptose des lymphocytes en ajoutant une molécule appelée Q-VD au milieu de culture. Cette molécule inhibe des enzymes – des caspases – qui interviennent dans le processus d'apoptose. Nous espérons maintenant démarrer une étude clinique pour tester l'innocuité et l'efficacité de cet inhibiteur chez des personnes atteintes de COVID-19.»
Les chercheurs qui signent l'étude sont rattachés à l'Université Laval, à l'INSERM (France), à l'Institut de génétique humaine (France), au Life and Health Sciences Research Institute (Portugal) et au Centre hospitalier de Nîmes. Les autres chercheurs de l'Université Laval et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval qui signent cette étude sont Florence Roux-Dalvai, Clarisse Gotti, Mickaël Leclercq, Gina Racine, Ouafa Zghidi-Abouzid et Arnaud Droit.