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Fatigue, lassitude, méfiance, inquiétude, anxiété, peur et dépression, voilà, pour une partie grandissante de la population, ce que provoque le tsunami d'information sur la COVID-19 qui déferle sur nous depuis bientôt deux ans. «L'infodémie, la mésinformation et la désinformation sont devenues des enjeux de santé publique. D'une part, parce qu'elles créent un ras-le-bol qui nuit à la réception des messages de prévention et, conséquemment, à l'adhésion aux consignes sanitaires. D'autre part, parce qu'elles peuvent engendrer des problèmes de santé mentale», constate l'anthropologue de la santé Maryline Vivion.
Dans un article publié récemment par le Canadian Journal of Public Health, la professeure du Département de médecine sociale et préventive de l'Université Laval, également chercheuse à l'Institut national de santé publique du Québec, et sa collègue de l'Université de Montréal, Lise Gauvin, appellent à une mobilisation des expertises pour relever les défis posés par cette infodémie. Les spécialistes de diverses disciplines doivent s'entendre sur les façons d'intégrer l'infodémiologie et l'infosurveillance au coffre à outils de la santé publique et ils doivent élaborer des interventions efficaces pour gérer l'infodémie et pour lutter contre la désinformation, plaident-elles.
Plus la pandémie se prolonge, plus le volume d'informations de toute provenance augmente et moins les citoyens ont l'impression d'y voir clair dans ce magma informationnel. «Il y a quelques mois, des personnes âgées que j'interrogeais pour mes travaux m'ont confié que, parfois, elles en avaient assez de l'information sur la COVID et qu'elles fermaient tout, raconte la professeure Vivion. Trop d'information peut entraîner de l'inquiétude, de l'anxiété et de la détresse émotionnelle, ou encore créer de la confusion et de la frustration. Ce n'est évidemment pas souhaitable pour susciter l'adhésion aux consignes sanitaires.»
— Maryline Vivion
Lorsqu'il est question de mésinformation et de désinformation, les médias sociaux sont souvent pointés du doigt. «On généralise un peu vite, estime la professeure Vivion. Les réseaux sociaux ne sont pas la cause du problème. Par exemple, les autorités de santé publique et les médias diffusent une information de qualité sur leurs comptes Facebook ou Twitter.»
Les informations erronées et les valeurs véhiculées sur les réseaux sociaux par des gens qui contestent les mesures sanitaires peuvent être utiles aux responsables de la santé publique, poursuit-elle. «Elles nous permettent de cerner les croyances de ces personnes et les causes des tensions entre leurs valeurs et les normes véhiculées par les autorités de santé publique. Dans le cas de la COVID-19, ce sont surtout des valeurs individuelles et des valeurs collectives qui s'affrontent. Cela peut nous aider à comprendre les motivations d'une partie de la population et à adapter nos interventions en conséquence.»
— Maryline Vivion, au sujet de l'importance d'uniformiser les messages provenant des autorités de santé publique
Considérant la multitude des diffuseurs d'information sur la COVID-19 et le droit à la liberté d'expression, il est évidemment impensable de régenter le flot et la qualité de l'information de toute provenance qui concerne la pandémie.
«Ce serait déjà un grand pas dans la bonne direction si on parvenait à structurer et uniformiser les messages diffusés par les organismes et ministères impliqués dans la lutte contre la COVID-19, estime la professeure Vivion. Les moindres contradictions dans ces messages sont relevées par les médias et contribuent à aggraver l'infodémie.»