
Un étudiant au Malawi photographié durant le projet de recherche de Catherine Michaud-Leclerc, Laura Derksen et Pedro C.L. Souza. L’étude au Malawi a réuni 300 élèves d’une école secondaire. Ils ont regardé plus de 100 000 pages Wikipédia sur une période entre 20 et 22 semaines.
Les écoles de pays en développement peuvent-elles recourir à Internet pour promouvoir la lecture et l’apprentissage? Afin de répondre à cette question, trois chercheurs ont mené une intervention, en 2017, dans une école secondaire du Malawi, en Afrique. Les résultats de cette recherche viennent de paraître dans la revue savante Journal of Development Economics sous les signatures de Laura Derksen, de l’Université de Toronto, Catherine Michaud-Leclerc, professeure au Département d’économique de l’Université Laval, et Pedro C.L. Souza, de de l’Université Queen Mary au Royaume-Uni.
Dans les pays en développement, la situation de la lecture et de l’apprentissage aux niveaux primaire et secondaire est préoccupante. Bien souvent, par exemple en cinquième année du primaire, les enfants ont de la difficulté à lire un simple paragraphe. Au primaire comme au secondaire, les manuels scolaires sont bien souvent insuffisants et les contenus ne rejoignent pas toujours l’intérêt des élèves. Ceux-ci ne sont donc pas toujours susceptibles de lire ces manuels ou d’apprendre avec leur usage.
«Face à ce constat, explique Catherine Michaud-Leclerc, nous nous sommes demandé si le recours à Internet pouvait aider à promouvoir la lecture et l’apprentissage auprès des élèves du secondaire. C’est ici qu’intervient Wikipédia. L’encyclopédie universelle en ligne, c’est du solide aujourd’hui. Ses contenus touchent à presque tous les sujets, ils sont mis à jour régulièrement et sont très crédibles comparés à d’autres sources sur le Web. Pour les élèves, cet outil permet notamment de revenir sur des concepts enseignés en classe, mais mal compris et de lire sur toutes sortes de sujets à jour pouvant les intéresser.»
Au Malawi, environ 90% de la population a accès au réseau Internet, mais en raison des coûts élevés environ 15% seulement l’utilisent fréquemment. Dans ce pays, un gigaoctet de données équivaut à 18% du revenu mensuel moyen. Les langues officielles sont le chichewa et l’anglais. En Afrique, comme partout ailleurs dans le monde, les élèves qui se servent du Web le font souvent pour se divertir avec des jeux vidéo et naviguer sur les réseaux sociaux plutôt que pour l’apprentissage scolaire. «Il n’est donc pas surprenant que les études démontrent qu’un accès total à Internet n’améliore pas la performance scolaire», souligne la professeure Michaud-Leclerc.
Trois cents élèves
Les trois chercheurs ont commencé leur intervention dans une école secondaire de type pensionnat (boarding school) en septembre 2017. Elle s’est terminée en juillet 2018, ce qui inclut la collecte de données. Entre 20 et 22 semaines, soit entre novembre 2017 et juin 2018, 300 élèves choisis de façon aléatoire à partir d’un échantillon d’environ 1500 élèves ont eu un accès restreint à Internet, axé uniquement sur Wikipédia. La professeure de l’Université Laval était principalement responsable de la gestion du projet sur le terrain. Elle a passé six mois en tout au Malawi étalés sur trois voyages.
L’intervention a porté ses fruits. Au terme de l’expérience, les jeunes participants avaient regardé 749 pages en moyenne pour les élèves qui réussissaient moins bien à l’école, et 865 pages en moyenne chez ceux qui obtenaient de bonnes notes. Le nombre total de pages regardées a atteint plus de 100 000.
«Nous n’avons pas constaté de conséquences négatives chez les élèves, indique Catherine Michaud-Leclerc. Nous avons observé un effet positif à l’examen d’anglais pour l’ensemble des participants, et un effet encore plus grand chez les élèves qui ont de moins bonnes notes. Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils ont lu sur toutes sortes de sujets qui les intéressaient. Vingt pour cent seulement de ce qu’ils ont lu était lié leur programme scolaire. Les élèves ont eu recours à Wikipédia pour étudier la biologie et ont préféré cet outil à leurs manuels. Chez les élèves qui réussissent moins bien, les notes ont particulièrement augmenté. Nous nous doutions que Wikipédia serait particulièrement utile parce qu’il offre plusieurs pages sur cette matière.»
Globalement, et par ordre de popularité, les participants ont cherché de l’information sur des matières scolaires telles que la biologie, la physique, la chimie, les sciences sociales et la géographie. Les sujets d’intérêt général consultés par les élèves portaient sur les célébrités, le divertissement, la musique, le sport et la vie en général.
Selon elle, les élèves ont largement et intensivement utilisé Wikipédia qu’ils ont trouvé fiable. «Nos résultats, dit-elle, montrent qu’il est possible d’encourager la lecture autonome et d’avoir un effet sur les résultats scolaires. La solution consiste à donner, au moyen d’Internet, un accès restreint à une source de matériel de lecture engageant et accessible.

Les contenus de l’encyclopédie universelle en ligne touchent à presque tous les sujets, ils sont mis à jour régulièrement et sont très crédibles comparés à d’autres sources sur le Web. Pour les élèves, cet outil permet notamment de revenir sur des concepts enseignés en classe, mais mal compris et de lire sur toutes sortes de sujets à jour pouvant les intéresser.
— Fondation Wikipédia