Les mesures de confinement ne ménagent personne, mais le huis clos forcé qui en découle peut être particulièrement éprouvant pour les familles où les relations parents-enfants ont été tendues dans le passé. À preuve, une étude publiée dans Couple and Family Psychology: Research and Practice par des chercheuses de l'Université Laval et de l'Université du Québec en Outaouais démontre que des personnes qui avaient déjà fait appel à un programme de soutien à la parentalité ont connu une détérioration de leur santé psychologique pendant les premières semaines de confinement au printemps 2020.
Ce constat découle de l'analyse des réponses fournies par 127 personnes à un questionnaire administré au printemps 2019 et un an plus tard, au plus fort de la première vague de COVID-19. Les répondants avaient au moins un enfant dont l'âge se situait entre 5 et 17 ans et ils avaient déjà participé à un programme d'aide destiné aux parents ayant des difficultés à bien encadrer leur enfant.
«Les participants avaient suivi le programme Triple P (Pratiques parentales positives) qui s'adresse aux personnes qui constatent que la qualité de leurs relations avec leur enfant se détériore et qui cherchent de l'aide pour corriger la situation. Ce sont des parents qui, comme ceux de bien des familles, vivent des écueils avec leurs enfants», explique Marie-Hélène Gagné, professeure à l'École de psychologie de l'Université Laval, chercheuse au Centre de recherche Jeunes, familles et réponses sociales et responsable de l'étude.
Les réponses fournies par les participants révèlent que les premières semaines de confinement ont coïncidé avec une réduction du sentiment de compétence parentale et une augmentation de la détresse psychologique chez les parents. Étonnamment, les chercheuses ont constaté une diminution des symptômes de dépression et d'anxiété chez les enfants pendant la même période.
«Plusieurs jeunes de ces familles ont des problèmes de comportement. Pour eux, l'école peut être une source de stress et le fait d'être confinés à la maison leur donne peut-être un répit, avance la professeure Gagné. La situation est plus difficile pour les parents. Ils semblent servir, au détriment de leur propre santé psychologique, de tampon entre le stress causé par la pandémie et leur enfant.»
Les mesures de confinement en vigueur en ce début d'année risquent de replonger ces familles, ainsi que la famille moyenne québécoise, dans des conditions difficiles, estime la chercheuse. Le stress causé par la pandémie risque de devenir chronique et d'éroder les capacités d'adaptation des parents et des enfants. Il est donc essentiel de continuer d'offrir des services pour soutenir les familles, poursuit-elle.
Quelles devraient être les priorités? «Pour que les parents puissent veiller à la santé psychologique de leurs enfants, il faut qu'ils soient eux-mêmes en bonne santé psychologique, souligne la chercheuse. Maintenir ouvertes les portes des CPE et des écoles est important pour les enfants, mais c'est aussi l'une des meilleures façons d'offrir un répit aux parents. Il faut aussi trouver moyen d'offrir des programmes de soutien à la parentalité, même en période de confinement. Nous avons d'ailleurs déposé une demande de subvention pour un projet qui vise à implanter et à évaluer une intervention en ligne destinée aux parents qui ont besoin d'aide.»
L'étude publiée dans Couple and Family Psychology: Research and Practice est signée par Marie-Hélène Gagné, de l'Université Laval, et par Geneviève Piché, Marie-Ève Clément et Aude Villatte, de l'Université du Québec en Outaouais