
Selon le premier chapitre de la Genèse, les végétaux et les animaux sont créés avant les deux premiers êtres humains que sont Adam et Ève. Ceux-ci sont créés en même temps. Or, le deuxième chapitre de la Genèse présente un ordre différent. Les végétaux et les animaux sont créés après l’homme, mais avant la femme.
Quel était l’état initial avant la Création, un grand océan informe et chaotique ou un désert stérile? Dans quel ordre sont apparus les végétaux, les animaux et l’humain? Jésus a-t-il porté lui-même sa croix ou bien Simon de Cyrène l’a-t-il fait? Et une fois ressuscité, Jésus est-il apparu sur une montagne de Galilée ou sur la route d’Emmaüs?
«Il est clair que la Bible contient beaucoup de contradictions, explique le professeur Sébastien Doane, de la Faculté de théologie et de sciences religieuses. À ces incongruités s’ajoutent les éléments surnaturels qui posent problème aux lecteurs d’aujourd’hui. À ceux qui demandent “Est-ce vraiment arrivé?”, je réponds entre “oui, mais non” et “non, mais oui”».
Entre la branche conservatrice du monde chrétien, qui tient à affirmer que tout le contenu de la Bible est vrai et qui va donc nier qu’il y ait des faussetés, et les athées qui nient l’existence de Dieu et qui vont dire que la Bible, c’est n’importe quoi, il reste les textes eux-mêmes. «Les textes, poursuit-il, parlent de grands éléments existentiels et permettent à la Bible d’entrer dans un dialogue un peu plus profond avec le croyant.»
Les Éditions Novalis viennent de publier un petit livre de 31 pages sous la signature de Sébastien Doane intitulé La Bible dit-elle la vérité? Au fil des ans, cet expert des textes bibliques a publié quelques ouvrages sur la Bible destinés au grand public. «J’ai commencé ce genre de projets pour rendre la Bible plus accessible, indique-t-il. Il est important pour moi de continuer à faire ce genre de recherche. C’est un genre de défi que j’aime relever. Dans ce cas-ci, la question dans le titre de l’ouvrage me semblait importante. Elle ouvre une très grande porte pour un dialogue qui vient contrer la lecture fondamentaliste de la Bible.»
Pour rappel, la Bible est surnommée le «livre des livres». Elle réunit des dizaines de textes très anciens rédigés sur environ 1000 ans par divers auteurs vivant sur le pourtour de la Méditerranée. Ces textes sont considérés comme sacrés par les traditions juive et chrétienne. La Bible comprend, d’une part, l’Ancien Testament, antérieur à Jésus-Christ, qui remonte les siècles jusqu’à la création du monde et le Nouveau Testament, qui met l’accent sur la vie de Jésus de Nazareth, il y a 2000 ans.
Récits, poèmes, paraboles
Récits, poèmes, paraboles, lettres, textes apocalyptiques, les textes bibliques montrent une belle diversité. Mais tous ont en commun d’être des narrations. Ce sont des récits «arrangés» qui mettent en scène des éléments afin de produire un effet sur le lecteur. «Nous avons accès à une représentation créative de l’histoire selon une mise en intrigue rigoureusement construite, soutient-il. Les événements, les paroles, les personnages ont sans doute un ancrage historique, mais nous n’avons pas accès directement à ce qui s’est “vraiment passé”.»
Selon Sébastien Doane, l’important n’est pas de savoir si tel ou tel événement relaté dans la Bible s’est bien passé comme cela, mais plutôt de déterminer quel sens se dégage de l’expérience de la lecture de ces récits. «Les textes, dit-il, ont un sens moral, spirituel. Les évangiles sont des textes qui transforment. Ils cherchent à créer un effet sur le lecteur. Ils présentent un personnage fort, Jésus de Nazareth, qui pose des gestes forts comme partager des repas avec des exclus ou faire des miracles, et qui meurt sur une croix. On s’attache à lui par empathie.»
Selon le professeur, une interprétation juste d’un récit biblique doit répondre à quelques critères. D’abord, est-ce que le texte permet vraiment l’interprétation qui est proposée? Est-ce vraiment ce que le texte biblique dit? Ensuite, quelles sont les conséquences éthiques de ladite interprétation? Il faut rappeler que la Bible a été et est encore utilisée pour justifier l’esclavage, les inégalités entre hommes et femmes, l’antisémitisme. Autre critère: l’interprétation proposée tient-elle compte de la compréhension actuelle de notre monde? Ainsi, un phénomène comme le créationnisme, lequel méprise la science, ne peut prétendre à la vérité. Un quatrième critère consiste à dire qu’une interprétation est vraie si elle ne prétend ni à l’exclusivité ni à l’objectivité absolue. Enfin, une interprétation juste doit être validée par d’autres.
«Les textes bibliques, écrit Sébastien Doane en conclusion de son livre, ne sont pas des preuves de l’existence d’un Dieu ni des arguments pour défendre une conception littéraliste ou fondamentaliste de l’interprétation. La Bible n’est pas non plus un code moral à imposer ou une liste d’éléments à appliquer directement dans nos vies, comme un simple copier-coller. La révélation du Dieu de la Bible n’est pas limitée par l’encre et les pages. Apprenons à lire la Bible, mais aussi à comprendre nos expériences personnelles pour voir s’il n’y aurait pas d’échos entre ce dont le texte parle et ce que nous vivons. Ultimement, le gage de la vérité de la Bible ne serait-il pas lorsqu’elle trouve résonance dans nos vies?»

Les évangélistes Matthieu et Luc racontent deux récits très différents de la naissance de Jésus. Selon Matthieu, Joseph accueille Marie dans leur maison à Bethléem, où naît Jésus. Par crainte d’Hérode et de son fils, la famille s’exile en Égypte, puis elle s’installe à Nazareth. Selon Luc, Marie et Joseph vivent à Nazareth, se rendent à Bethléem, où naît Jésus dans une mangeoire, puis ils retournent à Nazareth.