
Sylvie Nicolas
— Marc Robitaille
Elle compte à son actif moult romans, recueils de poésie et livres pour enfants. En plus d’être une écrivaine reconnue, Sylvie Nicolas pratique le métier de traductrice littéraire. «Entrer dans un langage autre que le mien, ça me passionne, explique cette chargée de cours en création littéraire. Le roman La traduction est une histoire d’amour, de Jacques Poulin, résume bien mon rapport à la traduction; pour entrer dans la voix de quelqu’un d’autre, il faut que je sois en amour avec le texte. Ces univers que j’explore m’apportent une joie profonde.»
Récemment, deux ouvrages se sont ajoutés à sa longue liste de traductions: (M)other, de Sanita Fejzic, publié chez Bouton d’Or Acadie sous le titre Mère(s) et monde, et The Pemmican Eaters, traduit Mangeurs de pemmican aux Éditions Hannenorak.
Poème lauréat en 2018 du CBC Poetry Prize, (M)other est un récit qui raconte les difficultés des familles homoparentales à être acceptées socialement. Au texte, rempli de sensibilité et d’humour, s’ajoutent les images, sublimes, de l’illustratrice Alisa Arsenault. «Je suis convaincue que Sanita Fejzic est une auteure qui va marquer le paysage anglophone canadien dans les prochaines années. Il s’agit d’une voix montante. Quand la possibilité de traduire (M)other est arrivée, il était hors de question de refuser», raconte Sylvie Nicolas.
Ce projet, qui s’est échelonné sur plusieurs années, a représenté tout un casse-tête. Des détails aussi subtils que la parenthèse dans le titre ont fait l’objet de longues réflexions. «Je me suis réveillée plusieurs fois la nuit, obsédée par cette parenthèse, lance Sylvie Nicolas en riant. Comment rendre cette finesse et cette intelligence dans la traduction du titre? Mettre une parenthèse autour du “m” en français, ça ne donne rien. J’ai finalement opté pour Mère(s) et monde, me permettant de mettre l’accent sur la pluralité des mères et de rejoindre l’idée de cet amour pour l’autre.»

Quant à The Pemmican Eaters, ce livre nous transporte dans l’univers de Louis Riel et Gabriel Dumont. Il s’agit du deuxième recueil de Marilyn Dumont que Sylvie Nicolas traduit après A Really Good Brown Girl (Une vraie bonne petite Métisse, publié en 2015 chez Hannenorak). «Marilyn Dumont est une poète métisse avec un immense talent. Avec A Really Good Brown Girl, j’ai été littéralement conquise par son travail. La traduction de The Pemmican Eaters a été plus difficile et délicate que le premier recueil.»
Le titre de l’ouvrage fait référence au surnom affublé aux Métis par l’ancien premier ministre du Canada, John A. Macdonald. Marilyn Dumont, descendante de Gabriel et Madeleine Dumont, y raconte la résistance de son peuple durant la bataille de Batoche en 1885. L’œuvre offre une relecture poétique de ce moment historique qui mènera au procès de Louis Riel, accusé de haute trahison envers le gouvernement canadien. La bataille de Batoche est ici racontée à travers les yeux de Riel et de Gabriel et Madeleine Dumont. En plus de cette histoire, on y trouve des poèmes sur la chasse au bison, l’art du perlage, la danse traditionnelle et d’autres aspects de la vie des Métis.
Afin de traduire l’ouvrage tout en respectant les termes utilisés par les historiens, Sylvie Nicolas a effectué des recherches sur les Métis, en plus de multiplier les échanges avec l’auteure. L’aspect poétique du récit s’est avéré une autre paire de manches. «Comme poète, quand on traduit un ouvrage en poésie, il faut laisser place à son intuition. Après une première traduction du manuscrit, j’ai retravaillé le texte différemment pour être sûre de ne rien échapper. Parfois, j’ai dû faire des modifications pour trouver des équivalences à la hauteur du sens en anglais, tout en ne m’écartant pas trop afin de rejoindre la puissance du texte original.»
Ces deux livres publiés, Sylvie Nicolas revient à ses premiers amours avec une nouvelle œuvre de son cru. Il s’agit d’un projet de recueil de poésie «qui lui tient à cœur depuis plusieurs années» pour lequel elle vient de recevoir une bourse du Conseil des arts du Canada. Le titre: Tout chagrin est un théâtre d’ombres.
Plus d’information à venir sur le site de l’auteure.