Son curriculum comprend une sélection à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, des projections à travers le monde et une cinquantaine de prix, dont deux prix Jutra, un prix Gémeaux et un prix Écrans canadiens. Marie-Josée Saint-Pierre mène de front sa carrière dans le milieu de l’animation documentaire.
Depuis le 29 avril, la réalisatrice, scénariste et productrice indépendante porte un nouveau chapeau, celui de professeure à l’École de design. «Me voici à l’étape de ma carrière où je suis en mesure de redonner à la relève, dit-elle, enthousiaste. J’ai acquis des connaissances théoriques et pratiques que j’ai envie de partager. L’enseignement universitaire est un travail extrêmement valorisant.»
En septembre, Marie-Josée Saint-Pierre donnera un nouveau cours, Animation documentaire. Ce cours permettra aux étudiants du baccalauréat en art et science de l’animation de découvrir l’histoire de ce genre cinématographique et d’approfondir leurs connaissances sur divers sujets, comme le droit d’auteur. Ils seront aussi amenés à mettre la main à la pâte en créant eux-mêmes une animation documentaire. La professeure donnera deux autres cours à la session d’hiver, Studio II et Théorie de l’animation II.
En plus de l’enseignement, elle compte mener des recherches sur la place des femmes dans le cinéma d’animation. Fraîchement diplômée d’un doctorat à l’Université du Québec à Montréal, la réalisatrice s’intéresse aux pionnières qui ont marqué cet art. Elle travaille d’ailleurs sur un ouvrage, à paraître bientôt aux presses de l’Université de Montréal.
«Pour moi, l’Université Laval est l’endroit idéal pour poursuivre mes recherches féministes. On y trouve la Chaire Claire Bonenfant – Femmes, Savoirs et sociétés, l’Université féministe d’été et la revue Recherches féministes, que je considère comme la meilleure revue scientifique dans ce domaine. En plus d’être au service de l’École de design, je compte voir ce qui se fait en études féministes et m’arrimer avec d’autres chercheuses pour documenter l’histoire et l’apport des femmes dans le cinéma d’animation.»
Dans ses films, Marie-Josée Saint-Pierre aborde deux grands thèmes: la maternité – Post-Partum (2004), Passages (2008), Femelles (2012) et Ta mère est une voleuse ! (2018) – et la création artistique – Les Négatifs de McLaren (2006), Le Projet Sapporo (2010), Jutra (2014), Flocons (2014) et Oscar (2016). Elle utilise diverses techniques d’animation, comme la rotoscopie, et a souvent recours à des images d’archives.
C’est le cas particulièrement dans Jutra. Ce court métrage, qui l'a amené à faire ses premiers pas sur la Croisette, mêle des extraits de documentaires, d’entrevues et de films de fiction avec en arrière-plan de magnifiques aquarelles. Avec ce projet, la réalisatrice a voulu faire revivre Claude Jutra. On y voit le principal intéressé qui discute avec lui-même sur sa vie et son œuvre, devenant ainsi le narrateur de ce portrait posthume.
Plus de huit ans se sont écoulés entre l'idée originale de Jutra et sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes. Il va sans dire que les allégations de pédophilie entourant le réalisateur de Kamouraska l’ont profondément choquée. «Cannes, c’était un moment très galvanisant dans ma carrière. Un an plus tard, les révélations de pédophilie sur Jutra sont sorties. Quand on passe plusieurs années de sa vie à travailler sur quelqu’un et qu’on découvre un tel secret, c’est très dur. Ma vision du portrait en animation documentaire a énormément changé depuis», admet la réalisatrice.
Avec La Théorie Lauzon, son prochain film, elle s’attaquera à une autre figure du cinéma québécois: Jean-Claude Lauzon. «Ce sera non pas un portrait de l’artiste, mais plutôt un portait psychanalytique de Lauzon à travers ses protagonistes et leur relation avec leur père. Je n’ai plus la prétention de documenter ou de reconstituer une personne, car il y aura toujours un aspect de sa vie qui va m’échapper.»
Décédé en 1997, Jean-Claude Lauzon laisse derrière lui deux long métrages, Un zoo la nuit et Léolo, qui ont obtenu un franc succès auprès du public et de la critique. «Un zoo la nuit est l’histoire d’un homme qui se rapproche de son père et apprend à l’aimer. Dans Léolo, c’est tout le contraire: le personnage principal est répugné par son père. Cela me permet de découper les comédiens dans les films de Lauzon et de les remettre dans mon film à moi pour les présenter de façon oppositionnelle. Il y aura également de la peinture à l’huile et des extraits d’entrevues tirées d’archives. Jean-Claude Lauzon était un personnage flamboyant qui n’avait pas la langue dans sa poche. C’est pourquoi on le surnommait le mouton noir du cinéma québécois.»
Ce film, en cours de production, est prévu de sortir d’ici 2021.