— Nicola-Frank Vachon
Le 14 novembre, étudiants en musique et mélomanes étaient réunis à la salle Henri-Gagnon pour écouter Ginette Reno. Invitée par la Faculté de musique, la chanteuse avait carte blanche pour donner une classe de maître. L'initiative était celle du professeur Rafaël Zaldivar.
C’est avec simplicité et une touche d’humour que la chanteuse a parlé des moments clés de sa carrière et a donné de précieux conseils à la relève musicale. Retour sur l’événement en dix citations.
D’entrée de jeu, elle a invité les étudiants à prendre soin de leur instrument. «Votre instrument doit devenir votre meilleur ami. Mon instrument à moi, c’est ma voix. À 73 ans, je dois admettre que la carrosserie vieillit, mais comme j’ai été super généreuse avec ma voix, celle-ci est encore super généreuse avec moi.»
Au sujet de cette voix si forte qui la caractérise : «En vieillissant, ma voix est plus riche, car ma vie est plus riche.»
— Ginette Reno
— Nicola-Frank Vachon
Sur le travail en studio: «À l’époque de l’enregistrement de mon premier album en 1962, on pratiquait avec les musiciens et ensuite on enregistrait la chanson au complet. Si on se trompait, on recommençait. Il n’y avait pas de machines comme aujourd’hui qui permettent de couper ici et là. J’ai gardé cette façon de travailler. On enregistre la chanson au complet et après, on mixe. C’est ainsi qu’on peut garder l’énergie d’une pièce.»
Un conseil aux étudiants qui veulent percer dans le milieu de la musique: «Chacun est unique et a sa dynamique, sa couleur, ses valeurs. Quand on est capable de transposer tout ça sur scène, c’est là que ça fonctionne. Croyez en ce que vous êtes et ce que vous avez d’unique à offrir.»
La chanteuse est aussi revenue sur plusieurs moments clés de sa vie.
«À deux ans et demi, j’ai fait une fièvre scarlatine. On m’a mis en quarantaine à l’hôpital. Pour me désennuyer, une garde-malade m’a enseigné deux chansons : Au clair de la lune et Heureux comme un roi. Je pense que c’est là que j’ai décidé d’être chanteuse.»
Au sujet de ses débuts modestes dans les cabarets: «Je gagnais 60$ par semaine. C’était quatre fois la paie de mon père, qui trouvait que c’était injuste de faire tant d’argent alors que lui devait se lever à 4h tous les matins. Je le comprends aujourd’hui. Pendant que Céline Dion fait 10 millions$, moi je fais 10 000$! Ce n’est pas juste! (rires)»
À 16 ans, Ginette Reno rencontrait pour la première fois le grand pianiste Oscar Peterson au Casa Loma. «Après mes spectacles, j’allais m’asseoir à côté de lui pour l’écouter jouer. J’étais si près que je l’entendais marmonner. On s’est revu plusieurs années plus tard quand nous avons reçu tous deux le Prix du Gouverneur-général. Après la cérémonie, il m’a dit qu’il voulait faire un album avec moi. Le projet n’a pas eu lieu, puisqu’il est décédé peu de temps après, mais ce fut un moment très touchant pour moi.»
— Nicola-Frank Vachon
En entrevue avec ULaval nouvelles après la classe de maître, la chanteuse a expliqué les raisons qui l’ont incité à accepter l’invitation du professeur Rafael Zaldivar. «C’est la première fois que je donne une classe de maître en milieu universitaire. Je me suis dit : pourquoi pas? C’est avec grand plaisir que j’ai accepté de venir parler de ma voix. Je ne pouvais pas refuser considérant que c’était dans une faculté de musique.»
Quel regard porte-t-elle sur ses 60 ans de carrière? «Quand on a le feu sacré, l’émerveillement et la passion, on n’est pas conscient du temps qui passe. Il n’empêche que je sens la fin qui approche. Avant, je chantais comme si c’était la première fois. De plus en plus, je sens que c’est la dernière fois.»