Rappelons que les mitochondries sont les centrales d'énergie de la cellule et qu'elles interviennent également dans la mort cellulaire. Elles seraient les descendantes de bactéries qui se sont intégrées aux cellules d'autres organismes il y a plus de 2 milliards d'années. Tout comme les bactéries, les mitochondries se multiplient en se subdivisant, elles sont entourées d'une double paroi et elles contiennent leur propre ADN de forme circulaire. «Lorsque des mitochondries ou des composantes des mitochondries se retrouvent à l'extérieur de la cellule, le système immunitaire réagit comme il le ferait avec un organisme étranger en produisant des anticorps spécifiques», explique Éric Boilard.
Afin de savoir s'il existe un lien entre la présence de mitochondries dans le milieu extracellulaire et le lupus, les chercheurs se sont intéressés aux anticorps présents dans le sang de 175 personnes atteintes de cette maladie. Leurs analyses révèlent que les anticorps ciblant la membrane externe des mitochondries et ceux ciblant l'ADN mitochondrial sont nettement plus abondants chez les personnes atteintes de lupus que chez des personnes en bonne santé. Les chercheurs tentent maintenant de déterminer pourquoi il y aurait davantage de mitochondries en milieu extracellulaire chez les gens souffrant de lupus ou pourquoi leur système immunitaire y répondrait plus fortement.
S'il semble clair que les anticorps ciblant les mitochondries se retrouvent en abondance dans le sang des patients souffrant de lupus, il n'est pas encore certain qu'ils soient la bougie d'allumage de cette maladie. «Ils pourraient être produits alors que la maladie est déjà installée», reconnaît Éric Boilard.
Les chercheurs pourront tirer la question au clair grâce à une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada. «Nous allons analyser des échantillons de sang prélevés à différents stades de la maladie chez 1 500 patients, dont certains ont été suivis pendant près de 20 ans», souligne Paul Fortin.
Le lupus provoque une inflammation chronique qui attaque différentes parties du corps, notamment la peau, les articulations, les enveloppes du cœur et des poumons ainsi que les reins. Il frappe environ 40 personnes sur 100 000, souvent entre 20 et 40 ans, et sa prévalence est 10 fois plus élevée chez les femmes. Le lupus se présente sous différentes formes – on le surnomme parfois la maladie aux mille visages –, de sorte que son diagnostic est difficile à établir.
«Les anticorps ciblant les mitochondries pourraient servir de complément aux outils existants pour diagnostiquer la maladie et pour en catégoriser les différentes formes. Une meilleure compréhension des mécanismes en cause dans la production de ces anticorps pourra aussi orienter la recherche de traitements pour le lupus. Je crois qu'on est sur une bonne piste», conclut le professeur Boilard.